Un musée, un quartier, la céramique au fil des siècles

L'Art de la céramique à Grenoble, entre hier et aujourd'hui
Caroline Roussel a conçu cette visite selon un angle original, une matière, KERAMIKOS en grec, et un savoir-faire, en Isère, depuis environ 7000 ans.
Nous voilà donc parties à la rencontre de cette étonnante matière première qu’est l’argile.
Le département de l’Isère, riche en vestiges préhistoriques est d’une grande importance par ses cavernes, ses abris sous roche, ses lacs ou ses étangs. Les conditions d’habitat varient suivant les différences de la nature du sol, la population est sédentaire dans les vallées et agricole dans les vallons. De nombreux objets en céramique ont été retrouvés dans différents sites, évoqués dans de sympathiques maquettes qui nous rapprochent de ces temps lointains où l’ingéniosité humaine s’exerçait pour améliorer les conditions de vie : les briques servaient à diffuser la chaleur à l’intérieur des habitations et les pesons à tendre les fils des métiers à tisser.
Les vestiges exposés montrent, au fil du temps, l’évolution des formes, des ornementations et indiquent, entre autres éléments, l'existence d’échanges avec l’Italie, tels cette série de pots venant de Lombardie.
Fabriqués en terre (argile), ils ont subi une transformation physico-chimique irréversible au cours d’une cuisson plus ou moins élevée. La terre humide est malléable, ensuite on la laisse sécher puis elle passe par deux ou trois cuissons selon le modelage. Sa coloration brune ou orangée est due à la présence d’oxyde de fer. Elle est utilisée pour faire des briques, des poteries ou des objets décoratifs.
Ainsi, de salle en salle, nous découvrons le néolithique (5800 - 2500) puis l’époque gallo-romaine, le Moyen - Age, la Renaissance et le XVIIIe siècle représenté par ces ravissants objets vernissés et décorés de motifs floraux. Les pigments viennent d’oxydes métalliques tels que le manganèse (violet ou pourpre foncé), le fer (rouge), le cuivre (vert), l’antimoine (jaune) et le cobalt pour le bleu.Dans la première moitié du XVIIIe, deux faïenciers ROUX, CHAIX et un commerçant ROY-COMPTE s’installent dans le faubourg Très Cloîtres, puis en 1747 un atelier se crée à La Petite Tronche, soit « au-delà des Cloîtres ». Bien sûr nous pensons à La Faïencerie de La Tronche, ancienne fabrique devenue Le Théâtre de la Faïencerie !
Quittant le Musée de l’Ancien Evêché ou musée d’histoire de l’Isère, nous rejoignons en quelques pas la rue Très Cloîtres, où nous rencontrons deux artisans céramistes qui travaillent chacun à sa manière.
Ivan Mago, designer venu d’Espagne, joint le design, l’art et l’artisanat ; il commence par le dessin, puis vient l’impression en 3D qui lui permet de fabriquer un moule en fibre de maïs dans lequel il verse sa terre. Enfin sortiront différents objets cuits sur place. Les couleurs sont peintes avant d’y verser la terre.
Isabelle Perret, sa voisine, met l’accent sur le geste traditionnel du potier et décore ses œuvres de traits de pinceaux qui évoquent le Japon.
Tous deux, comme de nombreux autres artisans, vendent leurs productions dans la boutique CFI, C’est Fait Ici, dans le centre commercial de La Caserne de Bonne. Vous pouvez admirer leurs œuvres à la caserne de Bonne ou sur : www.cestfaitici.fr
Ainsi s’achève ce très intéressant parcours qui associe histoire, tradition et création contemporaine, autour d’un matériau extrêmement simple, l’argile ou la céramique
F. R, L. B et F. L - Grenoble, Mars 2022


Visite du musée Mainssieux à Voiron

   Nous étions nombreuses à nous rendre à Voiron pour connaitre un peu mieux ce peintre de la région. Dans ce musée entièrement consacrée à Lucien Mainssieux, nous avons appris bien des choses sur cet artiste dauphinois aux multiples facettes .
   Notre guide vive, motivée, prolixe connaissait son sujet et nous mena dans quatre salles rassemblant des toiles du peintre autour d'un thème choisi.
   Lucien Mainssieux nait à Voiron en 1885 dans une famille bourgeoise ; il n 'a pas deux ans quand il perd sa mère ; il souffrira toute sa vie de cette absence ; à cela s'ajoutera une douleur physique due à une tuberculose de la hanche ; il sera élevé par une tante et un père pharmacien, très souvent absent. Alité et solitaire durant son enfance, il va découvrir la musique (violon et flute) et apprendre le dessin. A 12 ans, il quitte son lit mais « boiteux " , il se forgera une carapace qui ne le rendra pas toujours agréable et sympathique , surtout avec les femmes semble-t-il .
Il faut donc retenir trois facettes de cet homme, ami de Flandrin qui l'initiera au dessin et à la peinture. Plus tard, en découvrant les peintres du XIXème siècle, il devient collectionneur et n'oublions pas la dernière facette : son goût pour la musique.
Parcourons avec notre dynamique guide les 4 salles de ce petit musée intime et riche.
   La 1ère salle nous dévoile un Mainssieux collectionneur ; dès 19 ans, il " monte " à Paris. Très ami avec Dunoyer de Ségonzac, Le Douanier Rousseau, il s'endette pour acheter des tableaux de Courbet, Corot ; toute sa vie, il va collectionner des œuvres avec le désir d'ouvrir un musée ; cela arrivera à la fin de sa vie en 1956 à Voiron (450 œuvres seront léguées à la ville). Grand ami de Jacqueline Marval, il a des gouts classiques, aime tous les genres : marines, paysages, personnages…Il ne veut pas faire les Beaux-Arts, préfère apprendre dans les ateliers .

   Dans la 2ème salle, on pourra voir l'évolution de sa peinture, son apprentissage : autoportraits, peintures effacées, recommencées il s'initie au nu car c'est la base de la peinture mais cela est très nouveau pour lui et il n'apprécie pas vraiment le corps féminin ; les modèles qu'il faut payer lui rendent cet apprentissage difficile. Dans les années 1915 , il peint des femmes avec des bijoux, des voiles ; il côtoie beaucoup Matisse  et cela se voit.
A Paris, il découvre aussi une vie culturelle très riche et deviendra critique musical ; dans cette salle, nous avons aussi un beau tableau d'une peintre ukrainienne Laura Lewtska : femme au profil moderne qui fait penser à Picasso se trouvant au milieu des arbres et des feuilles ; il y a aussi un très grand tableau de Jacqueline Marval, danseuse à la tête minuscule et déformée, comme flottant dans l'air…  Avançons vers la 3ème salle où peinture et musique se mêlent ; il va peindre des paysages, des scènes de la Chartreuse mais aussi des portraits de musiciens, et même son violon.
Mais cet homme torturé n’a pas confiance en lui sur le plan physique mais aussi intellectuel et sera souvent mal à l'aise avec les femmes ; il aimera les conquérir mais ensuite se lassera vite. Il aimera une femme rencontrée au Maroc, Asma, sa muse et sa maîtresse. Plus tard en Algérie, il épousera Zora.
   Mais ce que nous admirons dans la 4ème salle, c’est la découverte de l’Italie. Les vues, la lumière de ces terres méditerranéennes vont être une révélation pour lui : Rome, Pompéi, Tipasa seront représentées avec une nouvelle palette de couleurs.

Peu d'œuvres dans les musées : une à Orsay, une à Beaubourg, trois à Grenoble ; reconnu jusqu'à sa mort il est aujourd'hui moins célébré ; mais ce petit musée dans sa ville de Voiron, cité animée et pimpante vaut le déplacement.
A.O le 23 Mars 2022


De tous temps, le Grand Passage a été sujet d’angoisse et de préoccupation pour les hommes.

Les rites funéraires

Les rites funéraires contemporains

par Pierre Reboul

De tous temps, le Grand Passage a été sujet d’angoisse et de préoccupation pour les hommes. Si ces derniers veulent honorer leurs défunts, ils tentent aussi d’adoucir la peine de ceux qui les pleurent.

De la momification des corps en Egypte aux pleureuses antiques, en passant par les crémations des hindous, les pratiques et les rites ont été extrêmement divers et soigneusement codifiés.

Pierre Reboul, que nous avons déjà eu le plaisir de rencontrer il y a 3 ans, lors d’une conférence sur l’Ecoute, vient nous parler ce soir des rites funéraires contemporains, ce qu’ils révèlent et ce dont ils sont l’écho.

Rappelons que notre conférencier est très impliqué dans l’association JALMALV (Jusqu’A La Mort Accompagner La Vie) et qu’il a écrit plusieurs livres sur l’écoute, l’accompagnement et le bénévolat.

Alors que l’on pourrait craindre le côté morbide d’un tel exposé, c’est de la vie dont il est surtout question.  Les rituels concernent les hommes vivants, en quête de sens.

Les 3 temps de la mort sont marqués par des pratiques diverses.

Le trépas peut être accompagné ou non par les proches. Autrefois, une « bonne » mort était une mort publique ; maintenant, on souhaite davantage la discrétion d’une mort dans le sommeil.

Ensuite, viennent les soins dus au défunt avec la toilette, la veillée et les signes de respect. 

Enfin s’organisent les funérailles elles-mêmes, la cérémonie, le port du deuil, les fleurs, la transmission des objets…

Pierre, avec humour, rappelle que « les bons rites font les bons morts ».

En fait, toutes les offrandes ont pour objectif de magnifier le mort et de déculpabiliser le vivant. Il est de bon ton de parer le disparu de toutes les qualités et de toutes les vertus ! Seul un Brassens quelque peu irrévérencieux a osé braver le tabou.

On note que 3 symboles sont universellement reconnus :

la lumière avec les bougies, l’eau avec l’aspersion et le feu avec l’espoir de la résurrection (comme pour le Phénix qui renaît de ses cendres).

Tous contribuent à tenter de concilier les notions de Permanence et d’Ephémère de favoriser le passage de la Proximité à la Distance.

Le grand « mérite » des funérailles est de rassembler et de ressouder les familles. Malheur à celui qui s’en dispense et se met ainsi au ban de la société. C’est ENSEMBLE qu’on peut assumer la perte, se réchauffer et se réconforter. La COVID a mis cruellement en lumière ce besoin et a désespérément généré des deuils traumatiques.

Les professionnels des pompes funèbres ont pris le relais des religieux. Ce sont maintenant les profanes qui, avec les familles, choisissent photos, diaporamas, musique et chansons pour des rites sur mesure, à la carte. Le caractère de gravité semble perdu, au profit de l’authenticité et de la personnalisation. Le JE prime sur le TU ou sur le NOUS.

Pierre évoque aussi les deuils inavouables, les morts dont on ne veut pas ou qui dérangent. « Les morts de rue » (27 l’année dernière à Grenoble).

A ces problèmes sont associés pour les bénévoles et pour les soignants le souci du « cure » (soin médical) et le souci du « care » (soin affectif ou humain). Où placer le curseur ?

Les lieux de mémoire sont-ils nécessaires ? Où déposer et disperser les cendres après une crémation ?

Pour réussir à franchir le pas ou à faire son deuil, il faut pouvoir dire et être écouté.  C’est ce à quoi s’emploient Pierre et tous les bénévoles regroupés dans diverses associations comme JALMALV.

Avec Eluard, ils peuvent affirmer, avec toute la modestie et la bienveillance qui les caractérisent :

« Le tout est de tout dire, et je manque de mots. Et je manque de temps et je manque d’audace ».

                                   VDB 14-03-2022


Figures de femmes dans le quartier Championnet à Grenoble

Figures de femmes dans le Quartier Championnet
A l’occasion de la Journée Internationale des Droits de la Femme

Il ne nous a pas fallu longtemps pour saisir combien Caroline Champetier, notre guide, avait une véritable passion pour ce quartier qu’elle habite. Et, de façades en coin de rues, elle nous a évoqué avec chaleur la vie de quelques femmes emblématiques dont la ville garde souvenir.
Comme l’artiste peintre Jacqueline Marval dont une place porte le nom au cœur du quartier: après une période malheureuse à Grenoble, c’est à Paris qu’elle entreprend sa démarche artistique, avec son compagnon Jules Flandrin qui lui fait côtoyer Matisse ou Rouault.
Des marchands d’art : Vollard, Berthe Weill la remarquent et lancent sa carrière ; elle exposera longtemps en France et à l’étranger mais pourtant finira dans la pauvreté en 1932.
Sait-on que Berthe de Boissieux fit un legs en 1908 pour la construction de l’actuelle école des Beaux Arts (ESAD) autrefois appelée ‘’l’école des arts industriels’’ ?
L’artiste peintre Louise Morel y fut élève, puis enseignante avant de poursuivre une carrière talentueuse entre grands chantiers (pavillon du Dauphiné à l’exposition universelle à Paris 1939) , salons dauphinois et multiples expositions .  
En 1962, Louise Morel et son fils, dessinateur talentueux, plus connu sous le pseudonyme d’Hugues Bréhat, se retirent dans le vieux village de Saint-Ismier où ils résident à L’Ermitage, un ancien prieuré "où le temps s’est arrêté".
Etonnante aussi cette villa qui nous reste de l’ancienne Clinique des Bains. Construite par Demenjon, elle devint la propriété d’Alphonse Douillet et de sa femme Anne Marie, née Mounier. Cette grande maison bourgeoise possédait une chapelle, de beaux vitraux, un bowling à l’américaine décoré de 200m2 de peintures alpestres réalisées par E Brun.
Avec la guerre, dès 1914, Alphonse transforme la villa en hôpital bénévole : ‘’l’ambulance Douillet’’ et c’est son épouse qui en prend la direction jusqu’en 1919. Près de 2000 combattants y seront soignés au cours de ces années. La poétesse Suzanne Renaud, jeune fille, y fut infirmière
De la France reconnaissante, les époux Douillet recevront chacun la Médaille d’Argent.
De beaux immeubles à l’angle du Bd Gambetta nous rappelle que Grenoble fut en son temps la capitale du gant. A Championnet, ce sont les familles Villaret, Notturno , qui occupent les étages nobles alors que les ateliers se trouvent tout en haut pour profiter de la meilleure lumière. On se souvient encore récemment de l’entreprise « au gant Marianne » où Marianne Nicollet habillait les mains d’Isabelle Adjani dans ‘’la reine Margot’’ ou celles des comédiens de ‘’Versailles, le rêve d’un roi’’.
Et les femmes du Quartier Championnet d’aujourd’hui ? Nous les trouvons rue Aubert de Bayet, l’une dans sa fraiche boutique toute de liberty, l’autre dans son univers graphite.
Nannan Wan : ‘Le petit palmier ‘ ‘Marie Alice vous emmène’
Toutes les deux aussi passionnées par leurs métier dont elles parlent avec chaleur, elles font parties des multiples boutiques attractives qui animent aujourd’hui ce quartier Championnet, devenu grâce à elles un haut lieu très ‘branché’ de notre bonne ville.
MaO 08-03-2022


Duos et couples dans l'art du XXe siècle

DUOS ET COUPLES DANS L’ART DU XXe SIECLE
Réunion passionnante d’une bonne quinzaine de Lycéennes pour une conférence au titre original, illustrée par Muriel JEAN, femme dynamique au parcours de vie très diversifié.
Ainsi nous avons retrouvé ou découvert sous un éclairage particulier, la vie et l’œuvre d’une quinzaine de couples d’artistes : ces couples fusionnels ou complémentaires, fragiles ou stables, constituent un cheminement intéressant dans les différents courants artistiques du siècle dernier.
S’ils partagent la même passion pour l’art, leur influence mutuelle varient d’un couple à l’autre. La nature ou au contraire la ville , réunit des artistes comme François-Xavier et Claude LALANE, Arpad SZENES et Maria-Helena VIEIRA da SILVA  ou les CHRISTO .
Les couleurs des DELAUNAY ou de Jean TINGUELY et Nikki St PHALLE se répondent dans les rondeurs ou dans les
Certains couples se créent au sein de la relation « maître-élève », comme Camille CLAUDEL et Auguste RODIN , ou par l’appartenance aux groupes comme « les 6 » ou les « Dadaistes ».
La passion amoureuse, ses joies et ses tourments, inspirent PICASSO et deux de ses égéries Dora MAAR et Françoise Gillot
Ou encore Jean COCTEAU et Jean MARAIS , et Frida KAHLO et Diego RIVERaA
Les plus récents sont deux couples de garçons : Pierre et Gilles, dont les photographies de l’un sont retouchées par l’autre, alors que Gilbert et George cultivent la subversion en jouant sur les critères du goût
Cette causerie fait émerger plusieurs caractéristiques de ces couples d’artistes. Muriel JEAN nous fait remarquer que seuls deux ou trois ont eu des enfants, les origines slaves sont très présentes, et l’on voit bien comment Paris les a attirés, réunis et stimulés.
M.B – L.B. 02 03 2022


"L'homme qui plantait des arbres" de Jean Giono

Le titre lui-même de la nouvelle choisie par la compagnie Croq Sésame : The man who planted hope and grew happiness  reflète bien l’esprit de la soirée organisée pour le Lyceum !
On pourrait presque dire : The woman… puisque c’est Catherine qui nous accueille dans sa jolie maison du Fontanil, en cette soirée hivernale de février ; agréable prétexte pour un échange de vœux, quelque peu différé pour cause de pandémie. Mais il n’est jamais trop tard pour se souhaiter de bonnes choses et envisager ensemble un avenir plus riant…
Quel est l’homme le plus extraordinaire du monde ? C’est à cette question que tente de répondre Giono à l’occasion d’un concours lancé par le Reader’s Digest. La nouvelle proposée par ce méridional amoureux de sa région sera finalement publiée par Vogue aux Etats-Unis en 1953. L’histoire se situe en Haute-Provence, au début du siècle, dans une région aride, désertée par les hommes. Le froid, le vent, la déforestation ont transformé les villages abandonnés en squelettes fantomatiques.
Le narrateur, Giono en l’occurrence, nous conte la rencontre fortuite, en juin 1913, d’un berger de 55 ans : Elzéard Bouffier qui vit seul avec son chien et ses 30 moutons. Son fils unique et sa femme sont décédés. Taiseux de nature, il n’en accueille pas moins cet inconnu, comme le fait le chien, avec une bienveillance sans bassesse. Le maître des lieux se livre à une curieuse occupation : il trie et sélectionne avec grand soin cent glands qu’il range méticuleusement dans un petit sac. Depuis 3 ans, à l’aide d’une tringle de fer d’1,5 m environ, il a planté 100 000 glands. 20 000 sont sortis de terre dont 10 000 prospéreront dans un lieu qui ne lui appartient même pas.
Même pendant les guerres, il poursuit imperturbablement et inlassablement son œuvre avec un soin extrême. Son combat, à lui, durera plus da 30 ans. Il veut redonner vie à la terre, tandis que les hommes la couvrent de cadavres.
Son champ d’intervention s’étend sur une surface de 11 kilomètres de long sur 3 de large, qu’il parcourt évidemment à pied. Aux chênes ont succédé les hêtres, les bouleaux et les saules. Cette forêt s’installe et se développe tellement progressivement qu’on croit qu’elle est naturelle et qu’elle a poussé toute seule !  L’écosystème se modifie peu à peu. L’eau (comme l’espoir) sourd à nouveau parmi les arbres et court dans les ruisseaux.
Les cultures d’orge et de seigle réapparaissent avec les hommes et la vie reprend. La région renaît.
Cet athlète de Dieu, à la santé presque solennelle, devient, sans le savoir, le chantre d’une écologie humaniste où chacun est acteur de la survie et de la prospérité de son environnement.
Giono semble vouloir prouver que les hommes peuvent être aussi efficaces que Dieu dans d’autres domaines que la destruction. Plus de 10 000 personnes doivent leur bonheur à Elzéard Bouffier.
Cette fable moralisatrice, écologique avant l’heure, est magnifiquement portée par la voix de Guy Dieppedalle, architecte de mots éphémères. Elle tient un public attentif sous son charme. L’accordéon et le talent d’Elisabeth Faverjon contribuent à ponctuer et rythmer le récit avec douceur légèreté et entrain !
S’il est vrai que la société d’Elzéard Bouffier donnait la paix, la compagnie Croq Sésame apporte, elle aussi, en ces temps troublés, une bouffée d’optimisme et de gaieté.
07-02-2022 D.VDB


Cousu main , la chirurgie à l'hôpital de Grenoble : du scalpel au robot

Dédié à la conservation et la valorisation du patrimoine hospitalier, le Musée grenoblois des sciences médicales à l'hôpital, créé en 1992, s'est installé dans l'ancienne chapelle des Tuberculeux, appelée aussi chapelle de l'Asile des Vieillards, du nom de l'ensemble pavillonnaire dans lequel elle se situe.

Cette exposition relate l'évolution de la chirurgie à l'hôpital de Grenoble.

Avec enthousiasme et passion, Sylvie Bretagnon, responsable du musée en charge des affaires culturelles du CHU Grenoble Alpes et François Moutet, chirurgien de la main, nous ont guidées dans cette formidable aventure humaine, nous permettant de mesurer le chemin parcouru et d'apprécier l'amélioration des conditions de prise en charge du patient.

Au début du XXème siècle, la main reste l'outil prépondérant de l'acte opératoire. L'organisation d'espaces dédiés et le perfectionnement d'instruments adaptés aux techniques contribuent au développement de la chirurgie hospitalière.

A Grenoble, au XVe siècle, les pèlerins reçoivent l'hospitalité dans les maisons de bienfaisance. En 1627, les maisons hospitalières sont réunies en un seul établissement charitable : l'Hôpital Notre Dame. En 1680 les religieux de l'ordre de St Jean de Dieu fondent l'hôpital St Etienne, futur hôpital militaire. Les femmes gravement malades sont envoyées à l'hôpital Sainte-Marthe.

Afin de faire régner l'ordre, mendiants et prostituées sont regroupés et enfermés dans les bâtiments de l'hôpital Notre-Dame établi comme Hôpital Général. En 1793, les trois hôpitaux sont réunis et on voit enfin l'émergence d'espaces dédiés à la chirurgie.

La chirurgie est une histoire ancienne : des pièces archéologiques attestent que l'amputation et la trépanation sont déjà pratiquées au Néolithique.
Dès l'antiquité, des instruments retrouvés dans les ruines de Pompéi témoignent de connaissances en chirurgie.
En occident, les dissections cadavériques sont rares et vont laisser les médecins dans l'ignorance anatomique jusqu'au XIIIe siècle.
Au XVIe et XVIIe siècles, les médecins, des clercs lettrés préconisent des indications thérapeutiques reléguant la chirurgie à un rang inférieur. La pratique de la chirurgie est confiée à des laïcs plus manuels : les inciseurs, les opérateurs ambulants et les chirurgiens barbiers.
En 1539, le barbier Hugues Reynier est engagé comme chirurgien des pauvres pour :
"Raser, panser les plaies et les blessures et pratiquer les saignées".

Deux ans plus tard Claude Port, opérateur ambulant est appelé pour :
"Coupper ung petit enfant et luy oster une grosse pierre de gravelle "

En 1543, André Vésale fait entrer l'anatomie dans la modernité.
Grace à ses travaux, Ambroise Paré fait progresser le geste chirurgical. C'est un homme de terrain, chirurgien des rois et des champs de batailles.
Il est désigné comme : " Roi des chirurgiens et chirurgien des rois"

La chirurgie progresse mais deux obstacles persistent : l'infection des plaies et la douleur.
Au cours du XVIIIe siècle, Louis XIII autorise les religieux de la charité à exercer la médecine et la chirurgie dans une quarantaine des hôpitaux du royaume.
Un chirurgien et un professeur d'anatomie de l'ordre de St Jean de Dieu viennent à Grenoble pour :" traiter, panser et médicamenter " les pauvres de l'hôpital Notre-Dame.

Contre rémunération, dans le cadre de l'hôpital général, les chirurgiens pratiquent :" Des saignées, des opérations sur les hernies et parfois des amputations".

Ne dit on pas à l'époque : "La chirurgie est un sport dangereux".

A cette même époque, le pouvoir royal organise l'enseignement. En 1731, Louis XV fonde à Paris l'Académie royale de chirurgie, une institution pour diffuser les connaissances et former des chirurgiens.

En 1761, en raison de ses travaux, Paul-François Varillon reçoit le titre de chirurgien en chef de l'hôpital de Grenoble.

En 1782, une école de chirurgie s'ouvre à Grenoble. Début XIXe siècle l'école de médecine est créée, intégrant l'enseignement de la chirurgie.

Au XIXe siècle, l'Hôpital Hospice de Grenoble devient aussi le lieu d'enseignement de la chirurgie.
Ces chirurgiens attachés à l'hôpital enseignent aussi au sein de l'école secondaire de médecine créée en 1806.
Au cours de cette époque les actes opératoires sont : "Des réductions de fractures fermées et de luxations, les ablations de tumeurs, des débridements de hernies étranglées, des trachéotomies quelques rares trépanations, les opérations sur les yeux et des amputations".

Des découvertes majeures marquent cette époque : l'anesthésie (1846) et l'asepsie (1874) ainsi que les travaux de Louis Pasteur. C'est le signal d'une nouvelle aire de la chirurgie.

Louis Pasteur
A la fin du XIXè siècle, les chirurgiens Léon Montaz et Jules Girard font valoir les idées hygiénistes et militent pour la construction d'un nouvel hôpital à l'extérieur de la ville.
En 1903, création d'une école d'infirmière.
En 1913, l'inauguration du nouvel hôpital sur la commune de La Tronche marque le tournant vers la modernité.
Les chirurgiens utilisent et perfectionnent de nouveaux moyens d'investigation et d'exploration des cavités internes. Les découvertes majeures de la transfusion sanguine (1907), la pénicilline (1928), puis d'autres antibiotiques après la seconde guerre mondiale, bénéficient à la chirurgie. La présence d'infirmières formées et diplômées ouvre de nouvelles possibilités thérapeutiques.

La suite de l'exposition fait état de:

  • l'essor de la chirurgie moderne à Grenoble après 1950 : de l'émergence des spécialités chirurgicales, aux raffinements des techniques chirurgicales à partir de 1980.
  • des disciplines à l'appui de la chirurgie : Anesthésie, réanimation, l'imagerie médicale, gestes médico-chirurgicaux assistés par ordinateur, le laboratoire d'anatomie…
  • des spécialités chirurgicales au CHU de Grenoble.

Que sera la chirurgie demain ?
Une chirurgie des 4 P : prédictive, préventive, participative et personnalisée…

Au final, la chirurgie bénéficie en soixante ans de progrès considérables, plus que pendant les 5000 ans d'histoire qui ont précédé.

Une exposition riche, passionnante à voir et à revoir sans modération !

F.L. 20-01-2022

Musée Grenoblois des Sciences Médicales, CHU de Grenoble rue du Musée 38043 La Tronche


Xavier Jouvin et sa Main de Fer

Xavier Jouvin et sa Main de Fer

Les Lycéennes étaient attendues le 13 janvier dans l’ancienne manufacture des Gants Jouvin, sise 2 rue St Laurent, par un descendant direct de la famille. C’est dans ces belles et hautes caves de la Ganterie que de nombreux ouvriers ont fabriqué des milliers de douzaines de gants en chevreau.

Xavier Jouvin naquit en 1801 dans le quartier St Laurent où sont installés  surtout des artisans aux spécialités diverses telles que gantiers, tonneliers, chamoiseurs, peigneurs de chanvre. L’enfant est inscrit chez les Frères des Ecoles Chrétiennes puis en 1816 il part à Paris avec ses parents et participe à la ganterie familiale. Ce jeune homme qui aime la mécanique se lance dans plusieurs réalisations qui n’auront pas de suite. Mais de retour à Grenoble en 1830 et à la tête d’un petit atelier où il coupe des gants, il rêve d’en simlifier le système et de mieux adapter les gants à la main du client. Il dessine 32 calibres de « main de fer » et dépose son brevet en 1838.

L’exposition industrielle de Paris  lui accorde une médaille de bronze pour son invention l’année suivante.

Le musée regroupe d’imposantes presses à fendre les gants, de plus petites à fendre les pouces et les fourchettes ainsi que des mains de fer qui ont été fabriquées par les Ets Reymond. 

On peut voir le tableau de pointures qui en déclinait environ 250,  le doloire qui sert à amincir le cuir, « la petite mécanique » qui facilite les coutures en surjet, l’écarte doigt qui les vérifie et la main chaude pour repasser le gant .

 Sous le second empire, les gants de Grenoble s’exportent en Angleterre, Allemagne, Pays Bas, également en Amérique et Russie, la production augmente pour faire face à cette nouvelle demande. La bourgeoisie de l’époque rivalise avec la noblesse dans la vie mondaine et le développement de sa richesse.

 C’est une époque faste pour l’industrie grenobloise.

En 1869, les Grenoblois choisissent Henri Ding pour élever une statue en bronze en hommage à l’inventeur. On peut en voir une copie en pierre sur la place Xavier Jouvin.

C.G.13-01-2022


La prison de Montluc à Lyon

On pourrait croire que cette prison n'aurait été construite qu'à une seule fin : servir cette période si péniblement marquante dans nos mémoires que furent les années 1940 / 1945.
Car, construite en 1921, elle ne reçut à son ouverture que quelques étudiants chinois révolutionnaires et fut peu occupée jusqu’en 1939.
De nouveau après 1945, elle ne joua qu’un rôle très restreint, au point qu’on envisagea sérieusement de la raser, le quartier de la Guillotière en pleine expansion cherchant des terrains pour faire de l’immobilier. Sauvée de la destruction par un préfet éclairé et une association convaincante, elle témoigne aujourd'hui de son lourd passé sous l’appellation : Mémorial National de la Prison de Montluc.
"Un mémorial est un lieu de mémoire qui arrête le temps et en porte le poids"

A notre arrivée cet après-midi là, l'Association des rescapés de Montluc leur rendait hommage : brefs discours, salut au drapeau, dépôt de gerbe et Marseillaise, puis des personnes, souvent jeunes, petits-fils, neveux, ont longuement lu ou conté le parcours terrible des membres de leur famille en
ces années de tourmente. Quelle introduction à la visite que nous allions faire !

Mais comment dire les affreuses visions que ces vieux murs ont pu voir ? Comment imaginer l’inimaginable dans l’atrocité ? Entre 1940 et 1945, 10.000 condamnés ont vécu là : Juifs ou résistants, entassés dans une effarante promiscuité ; rien ne leur fut épargné dans l’humiliation, la perte de leur dignité, l’atteinte à leur intimité et, pour la plupart, dans les affres de la torture. Tortures infligées avec un sadisme raffiné, à la demande de l’impitoyable jeune capitaine SS Klaus Barbie. Dans l’application de la « banalité du mal » comme le disait Hannah Arendt pour Adolf Eichmann.

Plus de 7000 détenus, hommes et femmes, moururent : les "sans bagages" aussitôt fusillés, comme ces 109 détenus à quelques jours de la libération, les "avec bagages" déportés par trains entiers vers Auschwitz ; ou sur ce lieu même dans des souffrances qui dépassent l’entendement. De cellule en cellule, nous avons confronté nos regards avec ceux du préfet Jean Moulin, de la résistante Hélène Berthaud, du journaliste André Frossard, de toute la famille Lazar, de Soeur Elise, de Marc Bloch, de la femme de lettre Denyse Clairouin, des 44 enfants d’Izieu, du jeune poète René Laynaud, de
Marie Reynouard, de Raymond Aubrac et de combien d’autres…
Klaus Barbie échappa à la condamnation des grands nazis du procès de Nuremberg.
Réfugié en Amérique centrale, inlassablement pourchassé par les époux Klarsfeld, malgré les protections dont il faisait l’objet il est arrêté en 1983, expulsé vers la France et il passera à son tour quelques jours dans une cellule de Montluc. Jugé en 1987 il fut reconnu coupable de 17 crimes contre l’humanité
Notre parcours dans ces murs témoins de cet épisode de guerre, fut soutenu par l’intervention de Mr Viot, (qui fut assistant du procureur lors du procès Barbie) lequel a su nous relater avec une vraie passion d’historien les heures sensibles de la prison de Montluc.

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MaO / 7.12.2021


De granges en granges au pays voironnais

Notre dernière sortie lycéenne était organisée cette année autour du lac de Paladru. Le rendez-vous avait été fixé à la « grange Dîmière » au Pin.

La grange Dîmière est une dépendance du Monastère des Chartreux de la Sylve Bénite, modeste ermitage au départ, créé en 1116, sur des terres données par le Seigneur de Virieu. Ce nom viendrait de la vision qu’aurait eue un des six moines fondateurs, d’une main bénissant la forêt.
Avant de découvrir la grange, nous sommes parties à pied, accompagnées de Steve Vachet, spécialiste du Pays Voironnais, en quête du monastère, le 3e de la Grande Chartreuse.
De ce monastère, il ne reste que des vestiges, vraisemblablement des bâtiments communautaires, l’ensemble ayant été pillé à la fin du XVIe siècle durant les guerres de religion, puis pendant la révolution française. Aujourd’hui propriété privée, il n’est pas accessible au public. Nous avons cependant pu longer le mur d’enceinte et imaginer son emplacement d’origine ainsi que la vie monastique dans ce vallon isolé.
Après cette petite escapade, nous retrouvons la grange « Dîmière », véritable cathédrale agricole par ses dimensions. Elle était destinée à collecter, d’où son nom, la dîme, impôt reversé par les seigneurs utilisant les biens des Chartreux.
Edifié sur une pente, ce bâtiment imposant : 35 m de long, 22,5 m de large et 18m de haut, est construit avec un soubassement de galets maçonnés provenant de moraines glaciaires et des murs en pisé. La charpente est soutenue par des piliers en chêne, recouverte de tuiles écailles.
Elle est constituée de deux niveaux : un niveau inférieur l’étable, réservée aux animaux et un supérieur, la grange constituée à l’origine de cinq nefs, pour le stockage des récoltes. On peut lire sur la pierre centrale du porche principal, la date de 1655 sous le sigle des Chartreux : un globe terrestre surmonté d’une croix.
Pour préserver le silence, règle de vie des Chartreux, la grange est éloignée du monastère. Les moines vivent de leurs ressources : cultures, élevage (seulement pour le lait, la viande est revendue) pisciculture et exploitation de la forêt.
A la suite d’un incendie en 1906 le bâtiment a diminué de moitié. Cette grange, grâce à d’importants travaux de conservation et restauration a été transformée en lieu culturel. Classée Monument Historique, elle accueille aujourd’hui des expositions d’art contemporain, et aussi des spectacles.

C’est ainsi que nous avons pu profiter de l’exposition de Bénédicte Vallet, plasticienne reconnue, intitulée « entre deux eaux », titre qui évoque l’ambivalence entre l’eau en tant qu’élément naturel et l’os, symbole de mémoire de la vie.
Ses créations faites de matériaux naturels, porcelaine tissée avec du chanvre, s’intègrent magnifiquement dans cet espace de pisé et de bois.

Pour le déjeuner, Margaret Mallion nous a ouvert, avec la simplicité et le joli sourire qui la caractérisent, son petit paradis au bord du lac de Paladru. Dans ce havre de paix, de fleurs et de verdure, inondé d’un soleil inespéré après le déluge de la veille, nous avons passé un moment merveilleux à partager les préparations des unes et des autres.
Nous avons poursuivi notre périple et à quelques kilomètres, Marc Bardin nous attendait pour nous faire visiter « la grange de Louisias », propriété familiale.
Avec passion, il nous a parlé de cet ensemble fait de pisé et de chaume, construit en 1805 par ses ancêtres, un des plus beaux exemples de l’architecture traditionnelle du Pays Voironnais, classé Monument Historique. Il n’en reste plus que 2 de ce type-là.
Cette grange a été construite avec les matériaux de l’époque : galets, pisé et chaume. Elle a nécessité beaucoup de main d’œuvre, trouvée dans le voisinage en échange de services ou de denrées.
Pour la solidité, le soubassement est en galets, pierres charriées par les torrents scellées avec des joints en terre naturelle. Les murs sont constitués de pisé, terre argileuse tassée, prélevée au printemps pour avoir « une terre en sève » de bonne cohésion pour qu’elle se colmate bien dans des banches.
La charpente est faite de bois provenant des forêts avoisinantes : châtaignier, merisier, hêtre, parfois du chêne. L’avant-toit déborde généreusement pour protéger les murs en pisé de la pluie.
Le toit est en chaume, constitué de paille de céréales, aujourd’hui de roseaux de Camargue, nés dans l’eau. Sa longévité est de 40 à 50 ans.
Cette grange servait au stockage du fourrage en partie supérieure et aux étables pour le bétail en partie inférieure.
Dans un élan passionné, le maître des lieux nous a fait un véritable cours sur le pisé et le chaume que nous avons écouté avec grand intérêt. Gourmandes que nous sommes, nous avons fait un détour par le magasin de l’exploitation pour nous approvisionner en fraises et confitures produites sur place.

Quelle belle journée ! Grâce à la chaleur du soleil et de l’amitié, nous avons vécu des moments inoubliables que nous allons précieusement engranger !

12.06. 2019 A.G.