• Conférence sur la Confrérie des Charitables par Cécile Leurent

A l’époque des Rois maudits, en 1188, la peste fait des ravages en France, 70% de la population vont mourir. Deux maréchaux-ferrants, Gautier, de la ville de Beuvry, et Germon, de Béthune, ont tous deux une vision dans leur sommeil : Saint Eloi, patron des forgerons, leur demande de créer une « karité », une confrérie, pour soigner les malades, donner du pain aux pauvres et ensevelir les morts. Ils se mettent en route et se rencontrent à Quinty, à mi­-chemin entre les deux villes.

La première Karité se donne comme devise : « Union, Exactitude, Charité », ils sont vite rejoints par les habitants de Béthune et de Beuvry pour l’accomplissement de leur tâche, la peste recule et disparait. Mais les Karitaules continuent leur mission. Aucun de ces bénévoles n’est touché par la maladie, d’où nait une croyance en l’immunité des Charitables, croyance transmise oralement, les archives ne datant que de 1578.

Résumé de leur histoire : les deux premières confréries, nées dans l’urgence, sont reconnues officiellement par Louis XIV.

1789 est une année noire : la lutte contre la religion aboutit à une interdiction d’exercer, tous les biens sont confisqués. Pendant la Grande Guerre, les Charitables sont présents à Lorette en 1915. Pendant la Seconde Guerre Mondiale leur ville est ravagée par un bombardement en 1944, les Allemands veulent enterrer tous les morts dans une grande fosse commune, 500 habitants et Charitables se mobilisent et apportent des cercueils… Aujourd’hui la Confrérie compte 55 membres à Béthune, 11 d’entre eux participent à chaque cérémonie, ils assurent l’égalité absolue devant la mort : pour l’indigent solitaire comme pour le notable.

La confrérie est très hiérarchisée : en y entrant on devient « Confrère », le « Chéri » (ou cher et bien-aimé) est le chef d’équipe pour les services, les « Mayeurs » ont déjà quelques années de pratique, les anciens « Prévots », puis le « Prévot » en place, et enfin le « Vénérable Doyen ».

La tenue des Charitables est remarquable : chapeau bicorne noir, manteau cape noir, col, nœud papillon et gants blancs, petite bavette bleue. Ils arborent un bâton traditionnel en bois blanc surmonté d’un bouquet fait de thym et de 3 fleurs différentes qui symbolisent les termes de leur devise.

            De la levée de corps à la mise en terre le cercueil est l’objet de toute l’attention de la Confrérie qui l’entoure, l’accompagne, selon des rites séculaires. On se décoiffe au cimetière… A la fin de la cérémonie, une dernière prière est dite par le Prévot, puis le Chéri annonce : « Notre devoir est accompli, M. le Prévot ». A la fin du service tous les Confrères se mettent en cercle et forment le « Rond », le Chéri passe en revue chaque membre et propose une amende ou « bouquet » pour chaque faute, toujours vénielle (chaussures mal cirées, bouton manquant, gants absents…), le montant de l’amende est minime et le produit permet de financer le « jambon », repas convivial.

Les ressources de la Confrérie proviennent de dons, quêtes et subventions municipales. La quête des « petits plombs » a lieu en juin : les « méreaux », monnaie de plomb, sont échangés contre des petits pains.

Temps fort de la Confrérie : la Procession à Naviaux (navets) a lieu fin septembre, les confréries de Béthune et de Beuvry partent à la rencontre l’une de l’autre, portant les reliques, la chandelle de St Eloi (qui doit guérir les malades et les animaux), les couronnes centenaires, les bannières… Elles se retrouvent à Quinty.

Les Charitables mènent aussi une action sociale grâce aux dons de la quête des « petits plombs », toujours dans l’urgence et de façon ponctuelle ils veulent éviter la concurrence avec les associations caritatives.

Aujourd’hui 35 Confréries regroupent 700 Charitables.