Visite des nouvelles archives : à l’épreuve du temps.

On se souvient du temps, encore récent, où il fallait se rendre dans la petite rue Auguste – Prudhomme pour accéder aux 39 kms de documents conservés dans le bâtiment un peu vétuste des archives départementales. Il était, depuis 1958, le gardien de la mémoire de notre patrimoine écrit. Résultat, faute de place, il n’y avait plus de possibilité de continuer la collecte des documents. Ce qui est un comble pour des archives, dont le fonds se construit au jour le jour. Quant aux conditions de conservation, on est étonné d’apprendre que la température du bâtiment pouvait osciller entre 15 à 40 degrés….Alors que la norme ne doit pas dépasser les 18. On comprend mieux pourquoi le Département de l’Isère a décidé, dés 2018, d’édifier sur un terrain lui appartenant à Saint-Martin-d’Hères, rue Georges Pérec, de nouvelles archives, dans un imposant bâtiment dont le chantier a duré pas moins de deux ans et coûté 37 millions d’euros financés par le Département, avec une aide de l’Etat s’élevant à 3,4 millions d’euros.

Un empilement de papier Une vingtaine de lycéennes s’était donné rendez-vous mercredi 4 mai, pour partir à la découverte de ce solennel édifice articulé autour de quatre blocs, tous revêtus de béton teinté dans la masse. L’ensemble donne l’impression, très symbolique, d’un empilement de papier. A l’intérieur, un autre symbole très fort : l’époustouflante peinture de Philippe Cognée, « La tour des mémoires », dans des couleurs chaudes d’ocre et d’orange. Elle est percée de mille fenêtres, d’où semble s’échapper le savoir.

Sous la houlette d’Elise, diplômée de l’Ecole des Chartes, récemment nommée Conservatrice à Saint-Martin-d’Hères, la visite se révélait passionnante. De ses différents propos on retiendra, pour l’anecdote, que le déménagement de ce « 56 pièces de 200 m2 chacune » a nécessité six allers-retours de deux camions pendant six mois. Ce qui donne une idée de la richesse de nos archives qui ne se limitent pas au seul département de l’Isère, mais conserve aussi tout ce qui concerne l’ancienne province du Dauphiné.

 De l’an 1000 aux centres de vaccination du Covid Parmi ces documents on peut trouver des cadastres, des actes d’état-civil, notariaux, des journaux, des livres, des photos. Le plus ancien, qui date de l’an 1000 environ, relate la vente d’une terre entre un seigneur et un monastère. Mais l’activité des centres de vaccination lors du Covid fait désormais aussi partie du patrimoine conservé. Les documents, avant d’intégrer cette cathédrale de papier ont tous suivi le même cheminement. Depuis le quai d’embarquement, jusqu’aux salles de versement et aux salles de tri, la sélection est sévère. Seuls 5 % des documents seront conservés. Avant d’atterrir pour les plus précieux dans les célèbres boites de l’entreprise Cauchard qui protègent du risque de feu et de l’eau.

A cet égard le rôle de l’archiviste est primordial. Il doit déterminer ce qui est important aujourd’hui et le restera pour des décennies. Il doit aussi tout mettre en œuvre pour faire traverser l‘épreuve du temps à ce qui mérite d’être conservé. Ainsi le colossal travail d’inventaire et de tri réalisé sur la correspondance des frères Champollion illustre mieux qu’un long discours l’essence même du métier d’archiviste. Pas moins de 12 000 lettres réunies en 60 volumes, échangées en partie au moment où Jean[1]François est sur le point de déchiffrer les hiéroglyphes. L’ultime étape est celle de la numérisation. Elle permettra de rendre publics tous ces documents et de les mettre en ligne. Avant de leur consacrer une exposition à l’automne.

 4/05/22 V.S – F.