Qui dit « trouvés » dit, forcément, exposés dans la rue et… abandonnés !

Nos références culturelles vont immédiatement au petit Rémi de « Sans-famille » d’Hector Malot ou à Cosette des « Misérables » de Victor Hugo. De tous temps, les enfants indésirables étaient déposés aux portes des hospices, sur les parvis des églises, avant que ne soient créés « les tours » (lieux de dépôt dans le mur) afin qu’ils soient rapidement protégés. L’administration des hospices de l’Isère les plaçait ensuite chez des nourrices mercenaires dans les contrées montagneuses du Dauphiné. La consultation des registres d’archives des paroisses, de l’hôpital de Grenoble, des actes administratifs et des procès d’Assises permet au conférencier d’établir un lien de cause à effet entre l’existence des tours, créés en 1811, et le nombre d’enfants trouvés et recueillis. Leur placement avait nécessairement un coût qui a valu à ces malheureux d’être déplacés vers d’autres régions.

C’est à ce sujet que l’historien, Bernard François, juriste de formation, consacre un ouvrage qui fait référence en la matière. Cette compilation a nécessité 3 ans de recherches qui concernent essentiellement l’Oisans ; de la « micro histoire », selon certains ! Mais l’intérêt d’un tel travail est autant historique que généalogique, juridique ou civilisationnel ! Que nous dit-il de la place de la femme, de l’homme, de l’enfant, dans une société traditionnellement catholique, où la fille-mère était une fille perdue et son enfant, le fruit du vice ou du péché ?

A ces enfants dépourvus de filiation, il fallait un patronyme, c’est ce dont se charge l’officier d’état civil au gré de son imagination. Les noms de lieu sont privilégiés ainsi que les anagrammes. Tout un jeu de « cousinages » qui permet parfois de retrouver les parents biologiques. L’anonymat, s’il est fréquent, n’est pas systématique, car on trouve parfois un billet ou un certificat de baptême dans les langes de l’enfant, la mère espérant peut-être le récupérer plus tard. Ces enfants abandonnés connaissent leurs origines à la différence des enfants trouvés. Il faut savoir que les femmes infanticides risquaient d’être condamnées à mort par pendaison et qu’elles devaient dénoncer leur séducteur, afin de lui demander assistance. L’hospice pouvait se substituer à elles pour requérir contre le père. C’est ce qu’avait prévu la Révolution. Mais Napoléon avait ensuite interdit la recherche de paternité pour ne pas multiplier les « bâtards » et c’est Gustave Rivet qui mettra 27 ans à réformer cette législation injuste. Le problème de la filiation et de la reconnaissance accordée à tous les enfants : légitimes ou illégitimes a traversé l’histoire de l’humanité et continue à faire débat.

Bien des vies ont été brisées et continuent à l’être. Les arguments ne sont pas toujours très nobles et beaucoup de femmes ont été victimes de prérogatives que les hommes se sont octroyées. La contraception d’une part, et les recherches sur l’ADN d’autre part, ont permis aux femmes, aux enfants et aux hommes également, de gagner en reconnaissance et en liberté.

5/10/05 D.VDB.-F.L