« Noir, c’est noir »
C’est avec le plus grand empresse- ment que nous avons répondu favora- blement à l’invitation du club de Lyon, le 12 novembre. En une matinée, toutes les places disponibles, proposées par nos amies lyonnaises, s’étaient envolées! Soulages ne laisse pas indifférent et Pierre Lacôte, notre guide, a su rendre cette exposition inoubliable.
On ne peut s’empêcher de penser à la pièce de Yasmina Reza: « Art » où trois amis s’affrontent à propos de l’achat d’un tableau blanc, tout blanc, ou presque ! Ici la question serait : comment peut-on rendre sensibles les modulations de la lumière, à travers des œuvres noires? Bien-sûr, il y a le noir de fumée, le noir du goudron, le noir d’ivoire et l’« outrenoir » (comme il existe un bleu outremer). Et puis il y a toutes les connotations propres au noir, que chacun porte en soi.
On parle à propos de Soulages « de la lumière du reflet ». Il se joue des oppositions et des contrastes : le noir et le blanc, le mat et le brillant, le creux et le plein. Le geste est répétitif, comme sont répétitives les empreintes ou les traces laissées sur sa matière de prédilection : l’acrylique. Les bandes de tissu qu’il colle, créent une rythmique particulière, sorte de partition musicale, de variation née du jeu des verticales, des horizontales et des obliques. C’est le spectateur, dans sa mobilité, qui fait exister l’œuvre grâce à l’organisation de la lumière. L’éclairage est donc primordial et son réglage, affaire de spécialiste. Ainsi le noir se fait couleur et, au- delà du noir, apparaissent le bleu Guimet, ou sa complémentaire, l’orangé.
Pour Soulages ce qui est essentiel, c’est l’action et non le concept. Dans ses ta- bleaux, il n’y a pas de récit. Il se sent proche de l’artisan qui expérimente et qui se laisse surprendre par la matière, l’organisation, la lumière. Il aime l’effet de surprise !
Son objectif est atteint. Il ne lasse pas de nous surprendre et les vibrations qui émanent de ses œuvres sont le reflet de la lumière, de la matière, des lignes, et de ce que nous projetons de nous-mêmes dans cette symphonie…
Danièle Vandenbussche