“LES HEURES SILENCIEUSES“ DE GAELLE JOSSE.
Gaëlle JOSSE est née en 1960, après des études de droit et publie son premier roman „les heures silencieuses“ en 2010, salué par la critique et récompensé par de nombreux prix.
Nous citons un extrait d‘interview : “être auteur, c‘est avoir peu, beaucoup ou énormément de talent, et c‘est surtout beaucoup de travail. Mon processus d‘écriture est en 2 phases : une flèche est lancée, puis il y a l‘histoire, la narration; un monde de personnages qui émergent, prennent vie et nous surprennent. C‘est le premier jet, la phase créative la plus facile. Puis vient le travail des mots, des phrases, du rythme, de la ponctuation. Ensuite relire, relire, trouver le mot précis, l‘image, la bonne cadence de phrase tout en restant dans l‘intuition, la liberté et la spontanéité“.
Ce roman se déroule au XVII° siècle aux Pays-Bas, à l‘époque où la Compagnie des Indes est à son apogée.
Bref historique de la Compagnie des Indes :
Après les croisades, vient la suprématie des républiques italiennes aux XIII° et XIV° siècles. A la fin du XV° l‘Amérique et l‘Asie sont découvertes, promesses de commerce florissant.
Au XVI° Venise règne sur la Méditerranée. A la fin du siècle l‘Espagne fait le commerce d‘or, et l‘Eglise a une grande influence, qui bloque toute évolution.
Des espions néerlandais s‘introduisent dans les navires portugais, et les Pays Bas découvrent tout l‘intérêt des Indes. A la fin du XVII° la Compagnie des Indes voit le jour, elle contrôle le commerce des épices, des textiles , de l‘or, des peaux, du corail, du riz, de la soie…c‘est un état dans l‘état. C‘est le siècle d‘or, la première puissance commerciale du monde, et son essor s‘accompagne de la liberté de culte : le pays attire les érudits et les artistes, c‘est le centre du savoir, l‘église protestante se développe.
Dans la société, le rang social s‘établit sur les revenus et plus sur la naissance.
L‘épanouissement culturel est de plus en plus important. Le pays est un gigantesque atelier graphique qui attire les peintres de tous horizons à Amsterdam, La Haye, Delft, Haarlem, Utrecht, ..
On ne représente plus de thèmes religieux, mais des natures mortes : les intérieurs bourgeois dont le plaisir des sens se cache derrière les façades strictes.
Ainsi le peintre Emmanuel de Witte réalise t il plusieurs oeuvres majeures, dont „intérieur avec femme à l‘épinette“ (musée Boymans Rotterdam) qui servira d‘inspiration à G Josse.

L‘ouvrage :
Nous y voyons la description de la condition de la femme au XVII° siècle, soumise à son mari.
Le personnage principal, Magdalena Beyeren, est la fille d‘un administrateur de la Compagnie des Indes, et elle s‘intéresse beaucoup au travail de son père. Mais elle doit se marier et se consacrer à sa famille malgré son goût et son talent pour les affaires. Elle renonce à ses rêves, est discrète, réservée, sa maison est bien tenue. Elle écrit un journal intime. 4 de ses enfants sont morts en bas-âge.
Pieter, son mari, qu‘elle aime, ne veut pas qu‘elle meure en couches, il n‘aura donc plus de relations intimes avec elle. Elle est donc moralement abandonnée à 36 ans, seule dans sa grande demeure silencieuse. Elle éprouve des élans amoureux pour le professeur de musique de sa fille, mais s‘en défend. Elle est très mélancolique : „le cours de nos vies est semé de pierres qui nous font trébucher et de certitudes qui s‘amenuisent“.
Au XVII°, les femmes doivent obéissance à leur père puis à leur mari (qui est choisi par la famille). Ce sont des génitrices et des éducatrices. Les grossesses successives sont dangereuses, la mortalité infantile très élevée, pendant que les maris poursuivent les aventures extraconjugales en toute impunité (les femmes, elles, risquent le couvent dans les mêmes circonstances). La femme est assimilée aux serviteurs qui doivent allégeance au maître de maison.
Elles sont illettrées (en 1800 une loi interdit aux filles d‘apprendre à lire). La lutte des femmes pour évoluer et être reconnues sera longue, en France elles n‘obtiennent le droit de vote qu‘en 1944, en 1965 une épouse peut travailler sans l‘autorisation de son mari, la première femme au Panthéon sera admise en 1995, et avec son mari…
Les échanges nombreux et fructueux entre la France et Rabat se poursuivent sur cette condition féminine, en Europe et au Maroc, et son évolution.
M Aubry, C Caron, C Lapostolle, C Maitre, M Patouillet, C Robert, F Soulier.