En 1612 Marie de Médicis, souhaitant une demeure digne de sa régence, acheta l’hôtel de Piney-Luxembourg, (le “Petit Luxembourg”, résidence du Président du Sénat depuis 1825). Pour elle Salomon de Brosse construisit (1615/24) un palais de plan français à corps de logis flanqué de 4 pavillons d’angle carrés, aux refends, bossages, et arcades lui rappelant le Palazzo Pitti de son enfance florentine ; le corps d’entrée, arc de triomphe à la Régente porte un dôme à lanternon. Le 10/11/1630 Marie perdit là son pouvoir, lors de la “journée des dupes” qui vit Richelieu triompher de ses intrigues ; exilée, elle mourut en 1642 chez Rubens, à Cologne, léguant le domaine à son fils préféré Gaston, duc d’Orléans. Passé à sa veuve, à ses filles, à Louis XIV, au Régent Philippe d’Orléans puis à ses filles, la “Galerie royale de peinture du Palais du Luxembourg”, 1e musée d’art ouvert au public en France, y fut créée en 1750. En 1791, comte de Provence parti, la “propriété nationale” devint prison, puis fut affectée au Directoire et à Bonaparte après le 19 Brumaire. Le 1e Consul en fit le lieu d’accueil des Chambres Hautes. Jean-François Chalgrin, restructura les jardins, supprima la terrasse de la cour d’honneur et les appartements de la reine (pillés à la Révolution). A l’emplacement de l’escalier central, il créa le vestibule d’entrée à jeu perspectif des colonnes, cul de four néo classique et niches (ornées aujourd’hui d’une collection de bustes de Marianne), qui donne accès aux bureau de Poste, Secrétariat Général de la Questure, salles multimédia (en sous-sol), et salons attribués aux sénateurs. Il conserva des éléments de la chambre, du Cabinet doré, de l’oratoire pour un remploi ultérieur, réalisé par Baraguay (1816-1817) à la salle du Livre d’or de la Pairie. L’ensemble à miroirs “en abîme” et tableaux de maîtres allégoriques, fut complété par des panneaux de Lesueur et Roule et des pilastres du “cabinet du bord de l’eau” d’Anne d’Autriche au Louvre ; au plafond Apothéose de Marie de Médicis rétablissant la paix de Jean Monier et Sibylles sauvées de l’oratoire. Les putti, polygonaux, seraient de Philippe de Champaigne ; buste de la reine par Ducel (1859).
Pour la Chambre des Pairs qui remplaça le Sénat à la Restauration, Alphonse de Gisors, agrandit le palais de 31m côté jardin, conservant le style initial pour créer la galerie des Questeurs, la bibliothèque au-dessus, et la salle du Sénat (28m x 17m) rouge et or, aux 2 hémicycles opposés : le petit pour le président, le grand pour les sénateurs et le public.
La voûte à caisson du petit hémicycle repose sur une corniche portée par 8 colonnes corinthiennes encadrant 7 statues de marbre : Anne-Robert-Jacques Turgot, Daguesseau, Michel de l’Hôpital, Colbert, Le Président Molé, Malesherbes, et Portalis ; aux écoinçons de la voûte Couronnement de Philippe V le Long, Louis XII aux Etats Généraux de Tours, de Blondel ; 2 escaliers mènent au “Plateau”, où siègent Président de séance, secrétaires du Sénat, services de la séance et directeurs des comptes-rendus, au-dessus de la tribune de l’orateur, des bureaux du directeur du compte-rendu intégral et des sténographes. La table des secrétaires du service des comptes-rendus analytiques relie avec l’autre hémicycle où les sièges sont nominaux (3 tailles), et où des médailles sont encastrées dans les pupitres de sénateurs célèbres (Victor Hugo, Clémenceau…) ; des rideaux rouges masquent 5 entrées ; la verrière installée en 1879 éclaire l’ensemble. Les boiseries de chêne (bas-reliefs d’Elshoecht : Jurisprudence, Eloquence, Paix, Victoire aux médaillons, Guerre, Abondance, Renommée, Vertu, Savoir, Prudence sur les panneaux) sont de Klagmann, Triqueti, Walet, Huber, et jouent un rôle acoustique. Dans 2 grandes niches statues de Charlemagne d’Antoine Etex, et Saint Louis d’Augustin Dumont ; les bustes par Adam des maréchaux d’Empire (Masséna, Lannes, Gouvion-Saint-Cyr, Mortier), surmontés des effigies de Charles V, Louis XII, Louis XIV, Napoléon, séparent les tribunes (“d’honneur” encadrée par celles de la presse, “du public” au-dessus), et précèdent la Prudence, la Vérité, la Force Protectrice par Vauchelet, à la voûte. La bibliothèque réservée aux parlementaires et à leurs collaborateurs, comporte plus de 400 0000 ouvrages (droit et économie, 1e N° de la Gazette du protégé de Richelieu Théophraste Renaudot, 1e journal français). Eugène Delacroix a glorifié les grands hommes de l’Antiquité à la coupole (1841/46) Rencontre de Dante et d’Homère guidés par Virgile ; sur ses pendentifs la Philosophie, la Théologie, l’Eloquence et la Poésie ; à la voussure de la fenêtre centrale (1840), Alexandre faisant enfermer les manuscrits d’Homère dans un coffre d’or après la bataille d’Arbèle ; des dessins sont exposés ; le décor latéral est de Riesener et Roqueplan, ses élèves. Ponctuée de pilastres blancs, la galerie des bustes (sénateurs et hommes politiques du XIXe), d’où le Président gagne son “plateau” par une porte personnelle, relie l’Hémicycle à la salle des Conférences. Le Grand Degré débouchait au centre de la galerie du Trône ; Louis-Napoléon en suggéra la transformation en salle des fêtes (57m/11m, coupole à 15m) inaugurée lors de son mariage, puis en salle du trône avec ors, peintures (Apothéose de l’Empire par Jean Alaux à la voûte centrale, mérovingiens, carolingiens et capétiens par Henri Lhéman aux voussures, campagnes de Napoléon aux lunettes, progrès économiques et scientifiques sur les murs), sculptures (buste de la République par Clésinger, Le Commerce et l’Industrie, de Leboeuf dit Nanteuil, 1858), tapisseries, mobilier… épée des Pairs de France. En 1919 elle accueillit le Président Wilson venu pour la Conférence de la Paix ; le salon de la Paix la clôt à l’Est (on y consulte les journaux); à l’Ouest, le salon des Messagers d’Etat occupe l’antichambre de la reine : statue d’Harpocrate, dieu égyptien du silence (1789) par Louis Philippe Mouchy ; toiles encastrées: St Louis et Robert de Sorbon, Le duc de Guise rencontrant le président du Parlement Harley, Louis XIV en tenue d’apparat; bustes de Poincaré, Clémenceau, Albert 1er de Belgique, Victor Schoelcher ; au plafond La loi entourée de la Justice et de la Force protégeant l’Ordre et le Travail d’Henri Dequesne, Roi de Rome par Vauchelet. Le salon des Muses est la chambre d’apparat où la reine prit conscience de son échec et de son exil le 11/11/1630 ; Lever de l’Aurore et Quatre Saisons de Louis Godefroy Jadin ; sculpture de Joseph Pollet : Achille et Deidamie. L’escalier d’Honneur de Chalgrin, dans la galerie (29m) des 24 toiles de Rubens, est néoclassicique, avec voute en berceau à caissons et rosaces de 6 modèles différents, de Boichard ; 28 colonnes de pierre portent son large entablement, 2 reliefs allégoriques de Ramey et Duret la terminent, une frise de Mosmann souligne la balustrade qui longe 12 tapisseries ( Beauvais et Gobelins). Les lionnes de Gellé et Talamona bordent 48 marches. De nos jours, des travaux incessants restaurent ce trésor d’architecture parisienne et le modernisent pour mieux l’adapter aux besoins d’une assemblée politique (locaux annexes, utilisation du sous-sol).
Le Sénat, ou “Haute assemblée” En 1795 la Constitution thermidorienne de l’An III créa le Conseil des Anciens, système à 2 chambres inspiré par la Grande-Bretagne : le conseil des Cinq-Cents avait l’initiative des lois, le Conseil des Anciens approuvait ou rejetait. Bonaparte s’inspirant de Rome, la 2e Chambre devint “Sénat Conservateur” de 60, 80 puis 120 membres inamovibles et dociles (savants ou artistes). Dès 1802 les actes de sénateurs , “senatus-consultes”, eurent force de loi, et ils proclamèrent la déchéance de l’Empereur le 3/04/1814. Louis XVIII puis Charles X (1814/1830) lui substituèrent une “Chambre des Pairs” présidée par le Chancelier de France (ministre de la Justice). Avec Louis-Philippe le titre cessa d’être héréditaire, la Chambre “s’embourgeoisa”, le nombre de sénateurs augmenta et les séances de ce qui devint ensuite le Sénat Républicain furent publiques. Le régime instable vit les Chambres s’opposer souvent, la guerre les mit en sommeil ; en 1946 le Sénat devenu “Conseil de la République” avait peu d’importance; il reprit nom et place avec la Constitution de la Ve République promulguée le 4/10/1958, mais fut écarté peu à peu, le général de Gaulle soumettant au référendum les réformes qu’il désapprouvait. L’institution, dont le président, 2e personnage de l’Etat, avait assuré l’intérim de la Présidence de la République en la personne d’Alain Poher, retrouva toute son influence en 1969, après l’élection de Georges Pompidou, et un 2e intérim suivit son décès.
Les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect (par les Grands Electeurs : délégués de communes pour 95%, conseillers généraux, régionaux et députés pour 5%). A chaque renouvellement partiel, par moitié tous les 3 ans, le Sénat élit son président , Gérard Larcher depuis le 1/10/2008, et son bureau de 25 sénateurs (8 vice-Présidents, 3 Questeurs, 14 Secrétaires). L’institution s’est féminisée : 80 sénatrices représentent 23 % des effectifs actuels. Le pouvoir législatif, très informé, exerce un contrôle sur le pouvoir exécutif. L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier Ministre, et aux membres du Parlement (le Sénat et l’Assemblée Nationale). Le Sénat comporte des commissions composées d’un nombre limité de sénateurs. Tous les sénateurs, à l’exception du Président du Sénat, font partie d’une des 6 commissions permanentes qui jouent un rôle essentiel dans la préparation du travail législatif, dans le contrôle du Gouvernement et dans l’information des sénateurs: commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, commission des Affaires sociales, commission de la Culture, de l’Éducation et de la Communication, commission de l’Économie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire, commission des Finances, commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d’Administration générale, auxquelles se sont ajoutées depuis 2008 la commission des Affaires européennes et la commission chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne. Elles travaillent aux projets, et des commissions spéciales peuvent être créées pour approfondir les sujets, un des rôles majeurs du Sénat étant d’ “anticiper”. L’initiative des lois et des amendements appartient aussi bien aux sénateurs qu’aux députés en fonction du programme sur lequel le Président de la République a été élu. Les textes présentés par la commission sont des “propositions de loi”, alors que les « projets de loi » sont à l’initiative du gouvernement. Les lois sont adoptées (une centaine par an) par accord entre les 2 assemblées ; la “navette” (transmission du projet d’une assemblée à l’autre en vue de modifications) permet d’aboutir à celui-ci après ajout d’amendements (80°/° retenus), sinon le gouvernement convoque une commission mixte paritaire de 7 représentants désignés par chacune des cours ; si celle-ci n’aboutit pas, c’est l’Assemblée qui a le dernier mot.
Différentes réformes se sont succédé au sein de l’institution : L’instauration de la session unique (1995) permet aux assemblées parlementaires de siéger 9 mois d’affilée; le calendrier des sessions est contingenté : 80 jours du 1e jour ouvrable d’octobre à décembre, 90 jours d’avril au dernier jour ouvrable de juin. L’antenne administrative a été inaugurée dans les locaux du Parlement européen en mai 1999. Depuis 2008 la durée du mandat a été diminuée à 6 ans, l’âge d’éligibilité est passé de 35 à 30 ans, le nombre et la répartition des sièges par département a été modifié pour refléter l’évolution de la population française : de 321 il est passé à 343 et sera des 348 en 2011. Le 22/06/2009, pour la 1e fois (le Président de la République ne peut pas prendre la parole dans l’hémicycle), l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès à Versailles ont entendu le message délivré au Parlement (formé par Sénat et Assemblée Nationale) par le Président de la République, en application du nouvel article 18 de la Constitution.
