Habitée seulement au XIIe siècle, par 6 religieuses obéissant à la règle de St Benoît, l’Abbaye de Port-Royal des Champs fut un simple bâtiment de bois dans une zone malsaine de marécages, au sud de Paris.
Puis elle fut reconstruite en pierre au XIIIe s. et rattachée aux Abbayes cisterciennes de Vaux en Cernay et Cîteaux. Elle prend alors de l’importance avec la fréquentation d’une vingtaine de religieuses qui y vivent en autarcie, avec la pêche dans les deux étangs à proximité, les cultures de la ferme et du potager, et le moulin.
De cette ancienne Abbaye, il ne reste aujourd’hui que les fondations, le pigeonnier et la ferme, avec sa vase grange à blé médiévale.
Les principaux bâtiments que l’on peut voir sur le site datent du XVIIe et XIXe s. Et le verger, qui possède une grande variété de produits rares, a été récemment reconstitué.
L’intérêt de notre visite a été dû, en grande partie, à la qualité de notre guide qui a réussi à nous captiver sur un sujet ardu et peu spectaculaire : le jansénisme. Seules quelques toiles de Philippe de Champaigne, représentant les personnages les plus importants de l’Abbaye, retinrent notre attention : Sœur Angélique Arnaud et plusieurs membres de sa famille (frère, sœur, mère) qui y vécurent au XVIIe s. sous les règnes de Louis XIII et Louis XIV.
Angélique Arnaud fut une des abbesses les plus influentes, rétablissant la Règle de St Benoît et s’appuyant sur les travaux d’un mystique hollandais, Jansen. Ce dernier, qui fit ses études théologiques à Bruxelles, avec l’abbé de St Cyran (futur confesseur de Sœur Angélique) eut l’idée de traduire les pensées de St Augustin et de les résumer dans “l’Augustinus”, un livre qui eut un succès retentissant pour l’époque. Les religieux s’affrontèrent dans de grands débats philosophiques posant le problème de la grâce divine et de la grâce efficace. Jansénistes et jésuites rivalisèrent d’influence auprès du roi et du pape et ce grand litige religieux fut un prétexte pour Louis XIV pour “casser” le pouvoir des religieuses, victimes de leur trop grande influence et de leur indépendance. Il obtint du pape la permission de nommer, lui-même, les abbesses.
Par ailleurs, il fit construire, beaucoup plus près de lui, un autre Port-Royal, à Paris, où résidèrent les religieuses qui avaient signé l’accord papal et royal reniant le jansénisme.
Les autres furent emprisonnées et il ne resta plus, à Port-Royal des Champs, qu’une communauté masculine, les “Solitaires”, installés au XVIIe pour des travaux d’érudition et pour y enseigner .Une trentaine de garçons par an y fut formée, parmi lesquels Jean Racine.
Le miracle de la guérison de l’œil malade de la nièce de Pascal, lors d’un office religieux, redonna de l’importance aux religieuses qui revinrent à Port-Royal des Champs. L’Abbaye devint un lieu de pèlerinage beaucoup trop important et Louis XIV la fit raser en 1710. En 1711, pour éloigner définitivement les pèlerins, il fait également piller et détruire le cimetière. Des reliques furent récupérées et transportées à l’étranger ou dans des lieux secrets.
L’influence intellectuelle et spirituelle du Jansénisme perdura jusqu’à la Révolution. L’Etat racheta le domaine. Un musée fut installé après 1890. Le domaine des Granges fut récupéré en 1953 et la ferme en 1983. Et, bien qu’il ne subsiste rien du Moyen Age dans ces lieux, il y reste une ambiance de paix et d’isolement qui ne laisse pas indifférent.
M-F. J.