Jeudi 15 octobre, un convoi se dirige vers Rennes : 12 lycéennes, masquées et déterminées, exceptionnellement accompagnées de 3 valeureux maris. Le but de l’expédition : Odorico, ou l’Italie en Bretagne.
Odorico, c’est l’histoire d’une dynastie de mosaïstes sur deux générations : 1882-1914 d’une part et 1914-1945 d’autre part. Deux frères, Vincent et Isidore Odorico, deux artisans mosaïstes talentueux, quittent Séquals, leur village du Frioul, pour la France, terre vierge de mosaïque, fuyant le marasme économique de leur région. Ils participent à la construction de l’Opéra Garnier à Paris sous la direction de leur compatriote, le réputé mosaïste Facchina. Celui-ci a remporté le chantier grâce à sa nouvelle technique : la céramique inversée, nettement plus rapide et donc moins onéreuse.

Après l’inauguration de l’Opéra, qui a fait connaître la mosaïque et leur savoir-faire, les deux frères travaillent à Tours pendant un an chez Novello, puis s’associent pour créer leur entreprise à Rennes en 1882. Ils excellent dans la reproduction d’œuvres classiques et bénéficient de l’essor du tourisme en Bretagne ainsi que la prise de conscience de l’hygiène. Ils savaient incorporer de petites pates de verre qui font ressortir les couleurs en jouent sur la lumière. Les commandent affluent. Quoi de plus facile que de lessiver ces surfaces à grande eau … Auprès des particuliers d’abord « paillassons » et couloirs des maisons, des magasins pour les sols et les façades, notamment boucheries et poissonneries, les salles de bain qui s’installent dans les maisons, les bains-douches, les piscines…Mais aussi les blocs-opératoires !

A partir de 1914, Isidore fils transforme l’artisanat en mosaïque artistique et industrielle : il a fréquenté l’école des Beaux-Arts de Rennes et voyagé en Europe centrale, où l’Art Déco est très en vogue. En 1992, il épouse Marcelle Favret, fille du mosaïste Pietro Favret. Ensemble ils participent à de nombreux chantiers, en collaboration avec des architectes et des artistes. L’entreprise compte alors jusqu’à 140 ouvriers, avec des succursales à Nantes, Angers, Dinard. Dans le grand Ouest, on répertorie 122 villes possédant des œuvres d’Odorico.
Mais la mosaïque devient peu à peu désuète, remplacée par le carrelage, le linoléum et la moquette. En 1945, Isidore Odorico décède et lui succède Pierre Janvier, un contremaitre, jusqu’à la fermeture de l’entreprise en 1978. Ce dernier a fait don au Musée de Bretagne de 999 dessins, esquisses, calques créés par la famille Odorico et ses successeurs.

Sous la houlette de notre guide passionné, nous avons déambulé dans le centre de Rennes pour découvrir d’abord les paillassons des maisons, la magnifique façade de l’ancienne épicerie Valton, rue d’Antrain. Autour de la place de la mairie, le sol sobre du Panthéon, les couleurs chatoyantes des sols des magasins avec leurs motifs en cercles, les tesselles des façades des magasins aux tons dégradés rappelant les pixels d’aujourd’hui. Petite « mise en bouche avant la découverte de la piscine St Georges, inaugurée en 1926, classée aux Monuments Historiques en 2016 et toujours en activité, pour le sport mais aussi comme lieu de festivités. Ses murs sont tapissés de dégradés de bleus, ses bassins de vert, jaune et marron. En 2017, elle fit déclarée 8ème plus belles piscine du monde à l’occasion d’une exposition temporaire : c’est la Lune géante de Luke Jerram.

Nous terminons notre visite dans le quartier St Helier devant la maison d’Odorico, construite en 1939 dans le style Art Déco, sur l’emplacement de l’ancien atelier.
Si vous voulez illustrer et/ou poursuivre cette aventure, taper « Odorico » sur le moteur de recherche et vous aurez la surprise de découvrir moultes articles et vidéos passionnantes. Sinon, de jolies balades à pieds à St Brieuc, Etables, Erquy, St Quay ou Dinard, pour re-découvrir ces œuvres près de chez vous.
Encore éblouis par la lumière des mosaïques, nous quittons le centre minéral de Rennes pour son faubourg arboré de Beauregard et le FRAC. Magnifique Musée contemporain, dessiné par Odile Decq, née à Laval en 1955, et inauguré en 2012. Le bâtiment juxtapose l’œuvre monumentale d’Aurélie Nemours : « L’alignement de XXI°siècle »de 72 stèles. L’unique sculpture de l’artiste, sa dernière œuvre et sa conclusion. Elle décède en 2015 à l’âge de 94 ans.
Le FRAC a pour orientation l’abstraction au sens large, la réflexion sur le statut de l’image contemporaine. Nous avons découvert l’exposition du britannique Martin Parr, photographe chroniqueur de notre temps
. Ses photographies aux couleurs criardes sont originales et divertissantes, bienveillantes ou acerbes. C’est un tour du monde qui nous monter de manière perspicace la façon dont nous visons, nous présentons aux autres et à quoi nous donnons de l’importance : loisirs, consommation et communication. Humour et désolation…
Chantal Martin