Après avoir découvert, avec le Professeur DAUGUET, les propriétés, pour le moins inquiétantes, du ricin utilisé comme arme chimique dans notre monde moderne, nous continuons avec d’autres plantes médicinales, tout aussi dangereuses, connues depuis l’ancienne Egypte : les solanacées.
Ces plantes que tout le monde peut trouver dans les clairières, les forêts, les dunes ou terrains vagues ont un double rôle : elles peuvent être bénéfiques et utilisées dans notre pharmacopée moderne, mais se révéler aussi extrêmement dangereuses et provoquer des accidents mortels. Très répandues et faciles à cueillir, leurs propriétés ont été plus ou moins bien maitrisées au cours des siècles, avec une certaine méconnaissance de leurs effets secondaires.

° La belladone présente des fleurs à corolle tubuleuse et, surtout, des fruits séduisants comme des petites cerises ; or, 5 de ces baies peuvent être mortelles pour un enfant ! Au XVIe s. elles entraient dans la composition de fards à paupières qui donnaient des regards “langoureux” aux femmes.

° Le datura, aux fleurs à corolle longuement tubuleuse, est très décoratif : planté dans les jardins, il éloigne les taupes. Ses fruits sont des capsules épineuses souvent utilisées dans les bouquets séchés où elles libèrent de nombreuses graines, petites comme des puces, et …toxiques.

° La jusquiame, qui produit une odeur désagréable a, cependant, des fleurs très décoratives, et ses feuilles sont toxiques.

° La mandragore, plante typiquement méditerranéenne, est l’objet de nombreuses légendes, liées à la forme humaine de la racine.

Toutes ces plantes sont connues depuis les Egyptiens : le papyrus d’Ebers (1500 av. J.C.) contient 900 formules de remèdes en usage alors, à base de plantes, dont la jusquiame et la mandragore utilisées pour leurs propriétés calmantes et lénitives.

Dans l’Antiquité Gréco-Romaine, puis au Moyen Âge, on les utilise comme aide à la fertilité ou comme anesthésiques que l’on fait respirer à l’aide d’une éponge imbibée. Ces plantes sont utilisées au Moyen-Âge avec une connotation de sorcellerie pratiquée avec rituels secrets par des “sorcières” maléfiques. Le christianisme les rendit responsables de tous les malheurs, les traita comme des hérétiques, et elles furent terriblement persécutées de façon exemplaire, condamnées aux bûchers.

Les principes majeurs de ces solanacées furent, en réalité, identifiés et étudiés par des chimistes allemands vers 1830-1880. Elles contiennent des alcaloïdes (substances à base de carbone et azotées) qui sont pour la plupart des esters d’un alcool tropanique et d’un acide. Ainsi, les alcaloïdes tropaniques de la mandragore sont la hyoscyamine, la norhyoscyamine, l’atropine, la scopolamine et la belladonnine.
Ces substances entraînent une mydriase (dilatation des pupilles) et des hallucinations suivies d’une narcose et peuvent provoquer la mort. Forte augmentation du rythme cardiaque, diminution des sécrétions salivaires, gastriques et pancréatiques, désorientations temporelle et spatiale et problèmes cérébraux sont quelques-uns des dégâts provoqués.
La mandragore n’est plus utilisée en thérapeutique mais belladone, datura et jusquiame sont encore dans la pharmacopée actuelle pour les traitements des coliques néphrétiques, gastralgies, diarrhées ou, dans un autre domaine, pour les fonds d’œil (atropine), etc. La scopolamine, qui fut utilisée dans les années 40 en médecine militaire, comme sérum de vérité, (inhibiteur de la volonté, et déclencheur du besoin de se confier) est actuellement efficace dans le mal des transports.
Les solanacées sont maintenant utilisées de façon rationnelle et elles servent de base pour de nombreux médicaments. On peut dire comme Paracelse (1493-1541) “C’est dans le poison qu’est le remède” ! M-F J.