“Une fille du Feu au bord de la mer” …
La Terre, l’Eau et le Feu sont les éléments d’élection de Catherine ARZBERGER, sculpteur – céramiste qui fit partie des pionniers du RAKU dans les années 1980, quand cette technique de cuisson d’origine japonaise apparut en Europe.
L’âge d’or de cette céramique remonte au XVIe siècle : les bols du modeste potier CHOJIRO (15166-1589) avaient la spontanéité et le charme de l’irrégularité caractéristiques du “WABI-SABI”, univers esthétique prisé de la philosophie Zen ; le lettré SEN NO RIKYU (1522-1591), grand Maître du Thé de l’école wabi et élaborateur des règles de la Cérémonie du Thé, lui commanda une série de bols dont la beauté brute et asymétrique fut vantée jusqu’à la cour. L’Empereur, émerveillé, accorda au potier et à ses descendants l’honneur de signer leurs œuvres du sceau d’or portant l’idéogramme “RAKU”, qui signifie “le Plaisir”, la “jouissance spirituelle”…
De nos jours la dynastie RAKU perpétue la tradition ancestrale à Kyoto et reste attachée à la philosophie Zen dont elle est issue mais le mode de cuisson de cette céramique, exporté dans les années soixante aux Etats-Unis puis en Europe, a perdu ses racines philosophiques lors de sa réappropriation par les céramistes occidentaux. Il est devenu une simple technique, “magique”, qui offre un formidable pouvoir de liberté à la démarche créatrice et qui recèle des capacités d’expression inégalables.
Le terme de “Raku” désigne aujourd’hui tout type de poterie ou de sculpture-céramique, façonnée, émaillée, cuite selon des règles caractéristiques. Façonnée dans une argile réfractaire fortement sablée pour résister aux chocs thermiques qu’elle devra supporter, la pièce est d’abord cuite dans un four normal au gaz ou à l’électricité. Après refroidissement, émaillée à la louche par trempage ou au pinceau, elle subit la cuisson de Raku proprement dite.
Alimenté au bois ou au gaz, le four à flamme ouverte est monté à 1000° en une demi-heure. La pièce d’argile devient incandescente et luisante : l’émail est en fusion ! Le céramiste, harnaché de masque, casque et moufles de protection en cuir, sort la pièce à l’aide de longues pinces métalliques. Il n’a que quarante à soixante secondes pour agir sur l’émail encore liquide, opération qui va déterminer les couleurs et l’aspect final de la pièce !
Les interventions du céramiste sont différentes, plus ou moins complexes selon l’effet désiré. Tantôt la pièce, plongée dans un récipient fermé contenant de la sciure ou de la paille, va s’iriser de rouge, de bleu ou de reflets métalliques inimitables sous l’effet des oxydes de cuivre, de fer ou d’argent ; tantôt l’intense saturation en carbone, dégagée par la paille qui s’est embrasée, va pénétrer dans les craquelures de l’émail blanc et dessiner de subtils réseaux d’un noir profond. Pour stabiliser ces effets la pièce, brûlante, est plongée dans l’eau ; le choc thermique est énorme ! Le noir de carbone s’incrustant dans les craquelures de l’émail va faire vieillir la pièce de mille ans en quelques secondes, transformant parfois un simple bol en merveille archéologique ! Le reste n’est plus, alors, que « secret de potier ».
S’il n’est pas exclusif dans sa production, le RAKU est un mode d’expression que Catherine ARZBERGER apprécie car, par sa connotation au passé lointain des cultures orientales et son côté brut et spontané au goût très contemporain, il lui permet d’exprimer au mieux son univers personnel. Il est également au service de son univers esthétique en accusant la présence obsédante des marques du temps : usures, craquelures, déchirures, fractures… “accidents techniques” propres à sa perception intime du Monde, ce qui est devenu important dans son univers actuel.
“Et par là-même, je rejoins le principe essentiel du raku japonais des origines, la notion de “Wabi-sabi” ; inconnue dans la culture occidentale, cette notion pourrait être traduite par la faculté de s’ouvrir au monde pour ressentir la beauté des choses simples, imparfaites, spontanées, éphémères ou patinées par le Temps.
Depuis peu, j’expérimente les cuissons au sel “en cazette” qui m’ont amenée à épurer au maximum les formes pour accueillir au mieux la “part du Feu”…Nous sommes très peu nombreux en France, quelques “allumés”, à pratiquer cette technique qui donne des résultats superbes, mais seulement quand le Feu veut bien jouer le jeu…C.A.” C.A & B.F
