Musée Jacquemart-André
A Florence au XVIe s, période de graves conflits, les élites souhaitent se faire portraiture. L’esprit de la Renaissance a fait passer l’humanisme avant le théocentrisme, l’individu se pense la plus belle création de Dieu et son portrait doit être ressemblant pour laisser l’exact souvenir du personnage (souvent flatté), il doit aussi parfaitement montrer le statut social du modèle en jouant de détails bien choisis, souvent symboliques, et de tissus. Les peintres de talent connaissent ces nouveaux codes qui mettent en valeur un modèle mais ils doivent évoluer pendant ce cinquecento de forts contrastes.
L’exposition du Musée Jacquemart André, qui regroupe des œuvres provenant des établissements muséaux les plus prestigieux (Vatican, Offices, Collections Royales d’Angleterre, Musée du Louvre, Musée de Francfort, montre un art du portrait évoluant avec la politique
En 1494, chute de Pierre de Médicis fils de Laurent le Magnifique. La République s’installe à Florence mais un homme puissant la dirige, le Dominicain Savonarole. En 1492, peut avant la mort de Laurent, la foudre a détruit le lanternon du Duomo qui faisait la fierté des florentins. Le prédicateur parle déjà de justice divine punissant les mœurs dépravés il reste peu de témoignage de ces hommes intègres. Baccio della Porta, futur Fra Bartolomeo, peint un portrait saisissant du moine à profil d’oiseau de proie revêtu du capuchon noir de l’habit dominicain. Tableaux, livres, vêtements et bijoux brulent sut le bucher des vanités. Mais Savonarole brûlera lui aussi, excommunié et rejeté par les florentins qui l’avaient suivi, hommes au regard mélancolique, et femmes vêtus de noir et sans bijoux, les valeurs stoïcienne de ces Républicains sont mises en valeur. On prône l’amitié et l’étude. Peu de portrait de ces gens austères mais déjà des œuvres de Pontormo du Rosso qui viendra mourir à Fontainebleau, d’Andrea del Sarto.
Dans la salle suivante les guerriers dominent, en armure. Les Médicis reviennent au pouvoir par la force, Alessandro de Médicis et Lorenzino, derniers descendants de la branche aînée issue de Cosme l’ancien, se haïssent. Allessandro, le tyran peint par Vasari 1er historien d’art italien de cette époque, est tué par ce cousin jaloux, le Lorensaccio de notre littérature. La branche cadette arrive au pouvoir avec le jeune Cosme, futur Come 1er qui met au point une véritable politique de propagande pour affirmer le pouvoir de la dynastie Médicis. Grâce au portrait de son condottiere de père, Giovanni dale Bande Nere , très aimé du peuple, puis les siens sculptés dans la même attitude par Bandinelli, ou déjà peints par Agnolo Bronzino qui sera son peintre préféré. Le grand homme de guerre Stefano Colonna est lui aussi mis en scène par Le Bronzino.
La Cour s’est crée autour du premier duc ; on envoie des tableaux aux cours étrangères car Cosme a épousé Eléonore de Tolède, fastueux grand parti car fille du Vice-Roi de Naples, très élégante. Le portrait de cour domine alors avec Bronzino, élégant, aux vêtements charges d’une profusion d’or, de perles et pierreries, lourd message politique. Le modèle est idéalisé (Marie de Médicis, notre future reine, est méconnaissable peinte par Santi di Tito). Les enfants ne sont pas oubliés. Autour d’eux les artistes s’expriment et se portraiturent, les écrivains poètes et musiciens (Joueur de luth de Salviati), la riche bourgeoisie lettrée aussi, vêtue du drap aux 23 manipulations de création qui l’ont fait le plus beau du monde. Avec eux le faste devient discret la représentation est plus intimiste (portrait de Lorenzo Lenzi), on joue avec la caricature (portrait de Laura Battiferi) ou l’expression des sentiments, on manie l’allégorie (allégorie de l’Amitié par Mirabello Cavalori). Les portraits d’enfants deviennent parfois symbolistes. Le portrait du cinquecento a commencé dans la simplicité, il a vécu. B.F.
