Si le rouge, le noir, le brun, l’ocre apparaissent dès la Préhistoire dans les peintures pariétales, le bleu, qui est une des couleurs les plus utilisées et les plus prisées de notre monde moderne, ne semble exister vraiment qu’à partir du XII° s.

Auparavant, dans la symbolique et la sensibilité du Haut Moyen-Age occidental, le bleu est une couleur peu valorisée et peu valorisante ! Délaissé par les Grands, il n’est porté que par les paysans et les personnes de basse condition. Il est même absent de la plupart des émaux, enluminures et vitraux; jusqu’au XI° s.

Déjà les Romains lui donnaient une connotation très négative : c’était la couleur des femmes peu vertueuses et des Barbares du Nord “aux yeux bleus”.

Mais, après les Croisades, qui font découvrir de nouveaux colorants en Orient (lapis lazuli) et le rôle prépondérant des Clunisiens (Suger) favorables à l’utilisation des douleurs dans les représentations religieuses, le bleu va revêtir un rôle essentiel : il sera, comme l’or, le symbole de la lumière divine. Il devient une couleur aristocratique à la mode et il est largement employé dans la création artistique ; il bénéficie d’une réorganisation totale de la hiérarchie des couleurs dans les codes sociaux, les symboles religieux, les systèmes de pensée et les modes de sensibilité.
Dans les cathédrales, le bleu ornera désormais de superbes vitraux tels ceux de Saint-Denis (le “bleu de Saint-Denis”), de Chartes (le “bleu de Chartres”) ou du Mans…Il devient la couleur du vêtement de la Vierge qui pouvait être, auparavant, de diverses nuances (noirs, violets, gris, etc.). Il deviendra aussi celle des vêtements royaux (Saint Louis en sera le précurseur au début du XIII° s.) et il sera utilisé dans la chevalerie et l’héraldique.

Ce succès du bleu favorisera le développement de la culture de la guède (indigotine) qui deviendra, à la fin du Moyen-Age, le privilège de corporations qui feront reculer celles de la garance (rouge).

12000 ha de guède seront cultivés dans le Midi et Toulouse deviendra la capitale du “pastel” européen.

La découverte de l’indigo, aux Amériques, (XV° et XVI° s.), plante plus facile à traiter que la guède, viendra concurrencer cette dernière.

Aux siècles suivants le bleu ne cessera de prendre de l’importance ; à la Renaissance il sera un symbole de puissance chez le Médicis et il sera largement utilisé par les artistes tels Michel-Ange, Philippe de Champaigne, Le Gréco etc. Il sera de plus en plus vulgarisé et porteur de codes sociaux : la couleur de la tenue militaire, au XVIII° s., la cocarde et le drapeau national, puis nos cigarettes “gauloises”; etc.. Après la dernière guerre le bleu prend la première place dans les vêtements : porté par toutes les générations, dans tous les pays (jusqu’en Chine !), le jean, pantalon universel, en est l’exemple le plus symbolique !

Notre conférencière, Cécile de La Sayette, a complété et agrémenté son exposé de diapositives bien choisies, réalisées à partir de tableaux du Musée des Beaux-Arts de Caen, et nous a fait prendre conscience du rôle et de l’importance des couleurs qui vont bien au-delà de l’aspect décoratif perçu à la première “lecture”.