Avec la construction – par des milliers d’ouvriers – de l’énorme et somptueux château de Versailles, Louis XIV fit de la France du XVIIe s. le symbole et la référence d’une culture exemplaire pour toute l’Europe = multiplicité des bâtiments, immense étendue des parcs et des bassins, magnificence des décors créés par les plus grands artistes de leur temps, tout fut prévu pour rassembler la fine fleur de la noblesse autour du roi. Mais déjà, deux siècles plus tôt, la même démesure caractérise l’édification, en Chine, de la célèbre “Cité Interdite” par l’Empereur Yongle de la Dynastie Ming (720 000 m2 et plus de 9 000 bâtiments). Ces lieux exceptionnels ont permis, dans les deux cas, de regrouper autour des souverains toute l’élite de leur peuple et de la garder auprès d’eux afin de mieux la contrôler.
Mais, à la différence du château de Versailles rempli en permanence de fêtes et plaisirs divers, la Cité Interdite est un lieu hautement symbolique et philosophique. Appelée aussi “Cité pourpre Interdite” (couleur supposée de l’étoile polaire) elle est le centre cosmologique du Monde régi par l’Empereur, Chef suprême, qui assure autant des fonctions religieuses que politiques et judiciaires.
La lecture du plan de l’immense Cité nous révèle comment la conception de l’ensemble est basée sur un parcours symbolique et initiatique. Depuis la “Porte de Midi”, après avoir traversé la “Rivière aux Eaux d’Or”, on accède à la porte et au secteur de “l’Harmonie Suprême”, puis au quartier de la “Pureté Céleste”. Viennent ensuite le “Pavillon de la Sérénité”, le “Palais de la Tranquillité Terrestre”, le “Pavillon de la Grande Harmonie”, le “Palais de la Longévité Paisible”, le “Pavillon de la Splendeur Martiale”, puis celui des “Connaissances Profondes”, etc. . Une multitude de portes, pavillons, palais, temples et jardins cohabite autour du Palais principal de l’Empereur et une hiérarchie très rigoureuse et protocolaire est applique pour la répartition des logements en fonction du rang de chacun. La Cité est donc un lieu de pouvoir et de vie mais aussi de pratiques religieuses : dans les différents temples, l’Empereur y honore tour à tour les trois religions de son pays (confucianisme, taoïsme et bouddhisme) réalisant ainsi l’union de peuples très différents, dispersés dans un aussi vaste pays. M-F J.
Les dynasties vont se succéder à partir du XVe s. tout d’abord avec les Ming, dont le troisième Empereur, Yongle, fut l’initiateur de la construction de la Cité. Puis au XVIIe s. les Mandchous prennent Pékin et créent la dynastie Qing, avec l’Empereur Kang Xi et son fils Yongzheng, tous les deux hommes de culture et grands administrateurs. Ils continueront d’agrandir et aménager la Cité Interdite. Une période de décadence leur succédera au XIXe s. avec la cruelle Impératrice Cixi qui multipliera les erreurs politiques et ruinera son pays.
Le dernier Empereur devra quitter la Cité Interdite en 1924. Commence alors le recensement de toutes les richesses et objets d’art qui seront rassemblés dans des musées et des réserves créées dans certains bâtiments de la Cité : calligraphies, bronzes, peintures sur soie, costumes brodés traditionnels, céramiques et porcelaines dont nous avons admiré le raffinement et la beauté dans l’exposition présentée au Louvre. M-F J.