La pyramide à gradins, le jeu de balle, l’astronomie, l’écriture hiéroglyphique et les chiffres, sont les piliers de la civilisation mésoaméricaine maya qui occupait à l’époque précolombienne des territoires correspondant à une partie du Mexique sud, aux Belize, Guatemala, Honduras et Salvador actuels, le tout sur fond commun de culture du maïs.
Tardivement réécrit au lendemain des autodafés perpétrés par les conquistadors pour extirper l’idolâtrie indigène, le Livre du Conseil ou Pop-Vuh retrace l’épopée des deux héros civilisateurs Hunahpú et Chbalanké qui, au sortir de Xibalda où ils ont vaincu les Puissances des Ténèbres, président à l’avènement de l’humanité nouvelle.
Comme en atteste le codex Borgia, l’odyssée des jumeaux s’inspire de celle de Quetzacoalt, le Serpent à Plumes, ressuscité au Yucatan sous le nom de Kukulkan, pour sceller à l’ère post classique l’unité de la culture maya-toltèque.
Entre 50 000 et 20 000 ans avant JC des chasseurs nomades, passèrent de Sibérie en Alaska par le détroit de Béring émergé. Ils se sédentarisèrent en Amérique Centrale vers le 4e millénaire av. JC en cultivant maïs, manioc, et patate douce, en élevant chiens, cerfs, daims et dindons ; leur religion devait être liée au dieu-pluie.
Passée l’époque archaïque, 3 grandes périodes divisent la civilisation maya née au 3e millénaire avant JC : le “Préclassique”, olmèque-pré-maya, mal connu (d’environ 1600 av. JC à 250 ap. JC) ; le “Classique”, (de 250 à 950), temps de l’apogée maya au IXe s, et des cités-Etats (Tikal, Calakmul, Chichen Itza…) dirigées par les “divins seigneurs”, qui commencent à décliner en plein “âge d’or” ; le “Postclassique” (de 900 à 1521), période de l’effondrement de la civilisation maya pour raisons inconnues (sols surexploités, crise démographique, guerres de cités, révoltes internes, catastrophes naturelles ?), qui vit la royauté non sacrée, la montée en puissance des Toltèques sur la Mésoamérique, l’arrivée d’espagnols apportant dès 1521, avec la violence, une épidémie de variole qui tua 1/3 de la population.
Jusqu’à la découverte des ruines de Palenque, en 1787, on oublia ce peuple de guerriers bâtisseurs ; la forêt avait recouvert leurs cités, et la quasi totalité des livres en écorce de figuier recouverte de chaux, pliés en accordéon, avait disparu dans le gigantesque autodafé ordonné par l’évêque Diego de Landra en 1549. Trois codex subsistent, retrouvés au XIXe s. en Europe où ils avaient été envoyés par des moines ou des soldats avant ce désastre : le Trocortesianus de Madrid, aide-mémoire pour prêtres-devins, le Dresdensis de Dresde, traité d’astronomie, mathématique, architecture, rites et horoscopes, le Peresianus de Paris qui cite les dieux et leurs doubles ; l’authenticité du Grolier, fragment de codex découvert dans une grotte Mexicaine en 1970, est contestée. Les 800 signes de l’écriture maya, déchiffrée à 80%, sont identiques aux glyphes gravés dans la pierre ; incisée ou tracée au pinceau (en poils ou plumes d’animaux) avec des encres rouge et noire, elle dévoile leurs sciences, rites et religion.
D’après les mythes d’origine il existerait 4 âges de création du monde : du premier sont issus les animaux ; du second, les hommes de boue ; du troisième, les hommes de bois ; du quatrième, les hommes de maïs. Les indiens, agriculteurs qui reçoivent leurs moyens de subsistance de la Terre Mère, proviennent de l’épi de maïs (masques en épi).
L’Univers maya forme une unité harmonieuse qui provient de l’union des inframonde, monde terrestre et supramonde. Fondé sur la puissance des esprits et des ancêtres, il se les concilie par des pratiques spirituelles (sanglantes !) et magiques. C’est dans le supramonde, territoire de la beauté, que s’achève l’histoire de la traversée des mondes. Les dieux (13 principaux) sont honorés individuellement et collectivement, souvent avec leur double, et reçoivent des offrandes de sang, de nourriture, ou d’objets précieux. Les dieux créateurs résident dans le jade, constituant premier de l’Univers comme le ciel et l’océan. Lors des cérémonies rituelles, les masques à symboles de dieux donnent une substance divine aux dignitaires qui les portent, unissant ainsi le ciel, la terre et le royaume des morts. Les observatoires astronomiques sont les liens à Vénus, à la lune et au soleil. L’ensemble temples-pyramides, palais, places et sites cérémoniels à stèles de rois, symbolise le paysage sacré existant lors de la création du monde.
La classe dominante des élites dirigeantes, formée, est seule habilitée à traverser les mondes, à communiquer avec les esprits ou les combattre. Les mondes surnaturels, points de passage entre les plans de l’Univers, se reflètent dans l’obsidienne et la pyrite. Rien n’est seulement décoratif : les masques funéraires de jade, destinés aux rois, prêtres, administrateurs, incarnent l’essence vitale du mort, et les détruire empêche l’immortalité de l’âme.
Le Pop-Vuh ou Popol Vuh, réécrit de mémoire en “quiché”, langue ancienne maya, vers 1550, informe sur la cosmogonie, la religion, la mythologie, les sciences, les migrations et l’histoire des Mayas-Quichès, dont les descendants sont encore présents dans les hautes terres du Guatemala. C’est un grand texte sacré capital, souvent considéré comme le document le plus ancien sur l’histoire de l’humanité.
L’histoire se déroule au sein de l’espace-temps, et marque les étapes successives du développement humain. Frère et sœur jumeaux, Hunahpú (“chasseur à la sarbacane”) et Chbalanké (“petit jaguar”) gagnent la Demeure des Ténèbres pour venger la mort de leur père, décapité par les seigneurs des enfers, et de leur oncle. Durant trois jours ils résistent aux terribles épreuves des couteaux d’obsidienne, des maisons des glaces, des jaguars et du feu, mais celle des chauves-souris fait perdre sa tête au garçon qui la remplace vite par une calebasse. Sa sœur, profitant de la diversion causée par un lapin et du pouvoir de tout coller, la remet en place. Pour exécuter un même tour de magie, les stupides seigneurs se décapitent et les héros, vainqueurs des Puissances des Ténèbres qu’ils abandonnent à leur acéphalie, montent au ciel renaissant de Xibalba (Enfer), Hunahpu se transformant en soleil, et Chbalanqué en lune.
Le jeu de balle est d’une grande importance dans les rituels: lors des fêtes, 2 équipes de 1 à 6 joueurs s’opposent: l’une représente les forces de l’inframonde symbolisées par des jaguars, l’autre celles de la lumière symbolisées par des aigles. La lourde balle de caoutchouc, renvoyée par un anneau de pierre, ne doit jamais tomber au sol, ni être touchée par les mains ou les pieds ; elle monte et retombe au cours du jeu, mimant la course du Soleil qui, mort, descend nuit après nuit dans l’inframonde des origines de la vie, et réapparaît fortifié le jour suivant ; sa lumière évoque richesse et abondance.
La tête du capitaine de l’équipe gagnante, tranchée par le capitaine de l’équipe perdante (ce qui est un grand honneur), est placée dans un mur prévu à cet effet, et on peut perpétuer son souvenir par sa réplique en pierre. Ce monde est éternel. En mourant l’être humain s’y transforme en ancêtre, et devient immortel comme la pierre. Les offrandes aux ancêtres circulent par des axes naturels (grottes, cavernes, montagnes), ou construits (pyramides, ou tertres).
Il existe donc, chez les Mayas, une union constante entre profane et sacré. Créer c’est accomplir un acte spirituel qui fait émerger du chaos de l’inframonde. La civilisation commença à s’éteindre quand ils cessèrent de construire. B. F.
