A Monceaux-en-Bessin (près de Bayeux) où nous sommes reçues par les propriétaires actuels, Monsieur e Madame de Saint-Louvent, la ferme-manoir de Crémel fut construite en 1642 par Jean Le Patou, sieur de La Montagne. Elle appartient, sous Louis XIV, au Maréchal Bernardin de Bellefonds, puis à Jean Bernardin de La Bigne à la fin du XVIIIe s. Elle est très représentative des fermes-manoirs du Bessin avec tous les bâtiments agricoles et le corps de logis regroupés autour d’une vaste cour rectangulaire.
Après avoir franchi un porche monumental à 2 entrées (piétons et charrettes) encadré par deux bretèches (pour assurer la défense de la ferme) nous visitons le pressoir “à longue étreinte” (arbre de 8 m. de long) avec ses deux énormes roues, ses magnifiques poutres en chêne et sa presse qui a fonctionné jusqu’en 1965.
Au-dessus, l’ancien grenier à pommes a été aménagé en appartement, avec pierres apparentes, enduits à l’ancienne, volets intérieurs et portes en chêne naturel, dans le respect du style du bâtiment. Les arcatures sont gardées au-dessus des fenêtres et une mezzanine permet une belle vue plongeante sur le pressoir.
Nous admirons la restauration de la salle des gardes avec sa grande cheminée ornée d’une incrustation gothique comportant le thème de la Crucifixion, des enduits à l’ancienne sur les murs et ses pavés au sol ; puis nous visitons une grange aménagée en salle de réception, l’étable restaurée et aménagée pour devenir un appartement original de 145 m2. A côté, la salle des traites est, elle aussi, reconvertie en appartement de 160 m2, toujours avec le même respect des matériaux anciens (plâtre, poutres, soliveaux, tomettes…)
Nous pique-niquons dans ce beau cadre, au soleil, dans la cour où le maître des lieux vient nous rendre courtoisement visite.
L’après-midi nous admirons une autre merveille du Bessin, le château de Brécy, construit au XVIIe s. et appartenant actuellement à M. et Mme Wirth (propriétaires des “Potasses d’Alsace”). Après avoir franchi le porche Louis XIV, encadré de “pots” en pierre avec fruits et fleurs sculptés, de pilastres ioniques et de deux lions bicéphales, nous traversons la cour ornée, en son milieu, d’un insolite et très présent animal imaginaire signé Lalanne, pour nous diriger vers le principal intérêt de cette visite : les jardins “à la française” du XVIIe s. Ces derniers sont un des rares exemples de ce type de jardin en France et attribués, peut-être, à Mansart.
Quatre terrasses se succèdent avec massifs ornés d’entrelacs de buis (d’après un dessin d’André Mollet) et de topiaires très géométriques placés régulièrement le long des allées pour accentuer l’effet de perspective. Des “pots” en pierre sont remplis, comme à l’entrée, de fleurs et fruits sculptés, dont l’artichaut symbolique (le cœur du légume = le Christ, les feuilles = les croyants) dessinés par la propriétaire Barbara Wirth.
Au sommet de la troisième terrasse nous franchissons une grille d’Isaac Geslin (XVIIe s.) pour remonter jusqu’à la route, occultée par la surélévation du terrain. De là nous avons une superbe perspective sur l’ensemble des jardins, le château et, au-delà, une allée qui va vers les bois, dans le lointain.
Les couleurs de l’ensemble sont discrètes (fleurs bleues et blanches), le lieu est d’une paisible et parfaite harmonie, idéal pour se reposer sur le banc, choisis par Hubert de Givenchy, ou près de l’ancien four à pain, transformé en ruine préromantique au XVIIIe s.
A proximité du château, la petite église Saint-Anne, du XIIIe s., acquise par l’actrice Rachel Boyer (la Grande Rachel) au début du XXe s., puis restaurée par la famille de La Crotelle, dans les années 1960, sert de lieu de concerts, l’été.