Après avoir pris sa retraite en 2006 François Robinard, ancien documentaliste à la mairie de Caen et passionné par l’histoire de la ville, décide de rédiger Caen : Histoire et Renaissance. Il s’agit d’une flânerie à travers les rues d’une ville, qui a particulièrement souffert au XXe siècle. F. Robinard raconte la renaissance des différents quartiers et offre une promenade vivante et documentée à travers les rues et les places. Il nous parle d’abord des bombardements de Caen et montre une série de photos qui nous révèlent l’ampleur de la destruction. Ces bombardements commencent dès le 6 juin 1944. Un nombre considérable de bombes tombe dans le quartier de la Banque de France, rue St Jean, rue de Geôle, boulevard des Alliés. Le magasin Monoprix est en flammes. Le 7 juin, 20 bombes tombent sur l’Hôtel de ville et la place de la République.
Si le plan initial du Débarquement prévoyait la prise de Caen le 6 juin au soir, il faudra 6 semaines, 4 offensives et environ 2000 morts civils pour que les Alliés libèrent totalement la ville ! Lorsque les troupes anglaises arrivent à Caen, elles découvrent l’étendue des dégâts. La première impression d’un soldat est que la ville n’est pas reconstructible. Devant nos yeux défilent les photos de maisons disloquées, de quartiers entiers totalement anéantis. L’université et l’Hôtel de ville sont détruits. Des bulldozers tentent de dégager les rues envahies par des tas de pierres et de gravats, des soldats anglais enjambent les décombres. Cà et là des maisons intactes se dressent au milieu d’un océan de pierres, comme cet immeuble à l’entrée de ce qui fut la rue de Geôle. Les bombes n’ont pas totalement pulvérisé certaines églises : St Jean, St Pierre, St Sauveur, certes touchées et mutilées, se dressent encore au milieu des ruines. Les Abbayes aux Hommes et aux Dames sont épargnées. Un membre de la Résistance ayant réussi en effet à traverser les lignes allemandes pour prévenir les Anglais de la situation tragique de la ville, ces derniers évitèrent de bombarder les centres d’accueil pour réfugiés et blessés situés au lycée Malherbe (dans les bâtiments de l’abbaye aux hommes) et au Bon Sauveur, ce qui explique l’absence de dégâts dans le quartier St Etienne. Le magasin des Galeries n’est pas totalement anéanti mais sera finalement reconstruit. Le magasin Devred, construit en béton armé, a également résisté. Nous voyons aussi sur une photo la première cérémonie patriotique, le 9 juillet 1944, en l’honneur des libérateurs canadiens et anglais arrivés par la rue Guillaume le Conquérant. Sur le parvis St Etienne et devant l’ancien logement de l’Abbé (lycée Malherbe) flotte en haut d’un mât le drapeau tricolore à la croix de Lorraine. Mais en ce 9 juillet, les quartiers de Vaucelles et de la gare ne sont pas encore libérés !
[**Reconstruction*] : Il faut évacuer les gravats, déminer car de nombreuses bombes et obus n’ont pas explosé, reloger dans l’urgence les habitants. Le maire Yves Guillou décide de construire des baraquements en bois dans les champs qui entourent la ville, dès janvier 1945. Des photos nous montrent le quartier de la Guérinière surnommé [*“tonneauville”*] avec ses bâtiments aux formes arrondies appelés “[*demi-lunes”*] ou [*“Nissen”.*] Nous découvrons aussi les maisons américaines à charpentes métalliques dans le quartier d’Authie, futur quartier St Paul, les magasins provisoires en bois de la place de la République (le dernier sera détruit en 1960). Pour reconstruire la ville, Yves Guillou désigne l’architecte Marc Brillaud de Laujardière qui décide d’élargir les rues de Bernières et rue Saint Jean, de créer un axe parallèle à cette dernière pour relier la gare et l’université : l’avenue du Six juin. Les gravats permettent de remblayer la prairie pour y construire un nouveau boulevard et une cité administrative à l’emplacement de l’actuelle piscine
Une photo nous présente une[* “sonnette”,*] machine servant à enfoncer les pilotis ou les pieux afin de stabiliser le sol aux endroits destinés à la construction. L’utilisation de la sonnette est particulièrement nécessaire dans les quartiers bâtis aux abords des bras de l’Orne et de l’Odon ; 250 pieux seront encore utilisés plus tard pour édifier le nouveau lycée Malherbe. Suite à la reconstruction alentour, nous découvrons la création d’un circuit automobile autour de l’hippodrome (le premier meeting sera organisé en juillet 1952) et la création d’une navette en hélicoptère “la banane” pour relier Caen au Havre (trop onéreuse elle ne fonctionna que 3 mois).
Puis F. Robinard évoque longuement ses souvenirs du célèbre magasin de tissus d’ameublement et de confection Delaunay rue de Strasbourg. Il est intarissable et nous ressentons toute la passion qu’il éprouve pour Caen, sa ville natale qu’il a vue anéantie en 1944, qui a réussi à renaitre peu à peu de ses cendres et évoluer pour devenir la belle cité que nous connaissons aujourd’hui. M.S.
