Nous étions nombreuses à nous rendre à Voiron pour connaitre un peu mieux ce peintre de la région. Dans ce musée entièrement consacrée à Lucien Mainssieux, nous avons appris bien des choses sur cet artiste dauphinois aux multiples facettes .
   Notre guide vive, motivée, prolixe connaissait son sujet et nous mena dans quatre salles rassemblant des toiles du peintre autour d’un thème choisi.
   Lucien Mainssieux nait à Voiron en 1885 dans une famille bourgeoise ; il n ‘a pas deux ans quand il perd sa mère ; il souffrira toute sa vie de cette absence ; à cela s’ajoutera une douleur physique due à une tuberculose de la hanche ; il sera élevé par une tante et un père pharmacien, très souvent absent. Alité et solitaire durant son enfance, il va découvrir la musique (violon et flute) et apprendre le dessin. A 12 ans, il quitte son lit mais « boiteux ” , il se forgera une carapace qui ne le rendra pas toujours agréable et sympathique , surtout avec les femmes semble-t-il .
Il faut donc retenir trois facettes de cet homme, ami de Flandrin qui l’initiera au dessin et à la peinture. Plus tard, en découvrant les peintres du XIXème siècle, il devient collectionneur et n’oublions pas la dernière facette : son goût pour la musique.
Parcourons avec notre dynamique guide les 4 salles de ce petit musée intime et riche.
   La 1ère salle nous dévoile un Mainssieux collectionneur ; dès 19 ans, il ” monte ” à Paris. Très ami avec Dunoyer de Ségonzac, Le Douanier Rousseau, il s’endette pour acheter des tableaux de Courbet, Corot ; toute sa vie, il va collectionner des œuvres avec le désir d’ouvrir un musée ; cela arrivera à la fin de sa vie en 1956 à Voiron (450 œuvres seront léguées à la ville). Grand ami de Jacqueline Marval, il a des gouts classiques, aime tous les genres : marines, paysages, personnages…Il ne veut pas faire les Beaux-Arts, préfère apprendre dans les ateliers .

   Dans la 2ème salle, on pourra voir l’évolution de sa peinture, son apprentissage : autoportraits, peintures effacées, recommencées il s’initie au nu car c’est la base de la peinture mais cela est très nouveau pour lui et il n’apprécie pas vraiment le corps féminin ; les modèles qu’il faut payer lui rendent cet apprentissage difficile. Dans les années 1915 , il peint des femmes avec des bijoux, des voiles ; il côtoie beaucoup Matisse  et cela se voit.
A Paris, il découvre aussi une vie culturelle très riche et deviendra critique musical ; dans cette salle, nous avons aussi un beau tableau d’une peintre ukrainienne Laura Lewtska : femme au profil moderne qui fait penser à Picasso se trouvant au milieu des arbres et des feuilles ; il y a aussi un très grand tableau de Jacqueline Marval, danseuse à la tête minuscule et déformée, comme flottant dans l’air…  Avançons vers la 3ème salle où peinture et musique se mêlent ; il va peindre des paysages, des scènes de la Chartreuse mais aussi des portraits de musiciens, et même son violon.
Mais cet homme torturé n’a pas confiance en lui sur le plan physique mais aussi intellectuel et sera souvent mal à l’aise avec les femmes ; il aimera les conquérir mais ensuite se lassera vite. Il aimera une femme rencontrée au Maroc, Asma, sa muse et sa maîtresse. Plus tard en Algérie, il épousera Zora.
   Mais ce que nous admirons dans la 4ème salle, c’est la découverte de l’Italie. Les vues, la lumière de ces terres méditerranéennes vont être une révélation pour lui : Rome, Pompéi, Tipasa seront représentées avec une nouvelle palette de couleurs.

Peu d’œuvres dans les musées : une à Orsay, une à Beaubourg, trois à Grenoble ; reconnu jusqu’à sa mort il est aujourd’hui moins célébré ; mais ce petit musée dans sa ville de Voiron, cité animée et pimpante vaut le déplacement.
A.O le 23 Mars 2022