Le titre lui-même de la nouvelle choisie par la compagnie Croq Sésame : The man who planted hope and grew happiness  reflète bien l’esprit de la soirée organisée pour le Lyceum !
On pourrait presque dire : The woman… puisque c’est Catherine qui nous accueille dans sa jolie maison du Fontanil, en cette soirée hivernale de février ; agréable prétexte pour un échange de vœux, quelque peu différé pour cause de pandémie. Mais il n’est jamais trop tard pour se souhaiter de bonnes choses et envisager ensemble un avenir plus riant…
Quel est l’homme le plus extraordinaire du monde ? C’est à cette question que tente de répondre Giono à l’occasion d’un concours lancé par le Reader’s Digest. La nouvelle proposée par ce méridional amoureux de sa région sera finalement publiée par Vogue aux Etats-Unis en 1953. L’histoire se situe en Haute-Provence, au début du siècle, dans une région aride, désertée par les hommes. Le froid, le vent, la déforestation ont transformé les villages abandonnés en squelettes fantomatiques.
Le narrateur, Giono en l’occurrence, nous conte la rencontre fortuite, en juin 1913, d’un berger de 55 ans : Elzéard Bouffier qui vit seul avec son chien et ses 30 moutons. Son fils unique et sa femme sont décédés. Taiseux de nature, il n’en accueille pas moins cet inconnu, comme le fait le chien, avec une bienveillance sans bassesse. Le maître des lieux se livre à une curieuse occupation : il trie et sélectionne avec grand soin cent glands qu’il range méticuleusement dans un petit sac. Depuis 3 ans, à l’aide d’une tringle de fer d’1,5 m environ, il a planté 100 000 glands. 20 000 sont sortis de terre dont 10 000 prospéreront dans un lieu qui ne lui appartient même pas.
Même pendant les guerres, il poursuit imperturbablement et inlassablement son œuvre avec un soin extrême. Son combat, à lui, durera plus da 30 ans. Il veut redonner vie à la terre, tandis que les hommes la couvrent de cadavres.
Son champ d’intervention s’étend sur une surface de 11 kilomètres de long sur 3 de large, qu’il parcourt évidemment à pied. Aux chênes ont succédé les hêtres, les bouleaux et les saules. Cette forêt s’installe et se développe tellement progressivement qu’on croit qu’elle est naturelle et qu’elle a poussé toute seule !  L’écosystème se modifie peu à peu. L’eau (comme l’espoir) sourd à nouveau parmi les arbres et court dans les ruisseaux.
Les cultures d’orge et de seigle réapparaissent avec les hommes et la vie reprend. La région renaît.
Cet athlète de Dieu, à la santé presque solennelle, devient, sans le savoir, le chantre d’une écologie humaniste où chacun est acteur de la survie et de la prospérité de son environnement.
Giono semble vouloir prouver que les hommes peuvent être aussi efficaces que Dieu dans d’autres domaines que la destruction. Plus de 10 000 personnes doivent leur bonheur à Elzéard Bouffier.
Cette fable moralisatrice, écologique avant l’heure, est magnifiquement portée par la voix de Guy Dieppedalle, architecte de mots éphémères. Elle tient un public attentif sous son charme. L’accordéon et le talent d’Elisabeth Faverjon contribuent à ponctuer et rythmer le récit avec douceur légèreté et entrain !
S’il est vrai que la société d’Elzéard Bouffier donnait la paix, la compagnie Croq Sésame apporte, elle aussi, en ces temps troublés, une bouffée d’optimisme et de gaieté.
07-02-2022 D.VDB