Les rites funéraires contemporains

par Pierre Reboul

De tous temps, le Grand Passage a été sujet d’angoisse et de préoccupation pour les hommes. Si ces derniers veulent honorer leurs défunts, ils tentent aussi d’adoucir la peine de ceux qui les pleurent.

De la momification des corps en Egypte aux pleureuses antiques, en passant par les crémations des hindous, les pratiques et les rites ont été extrêmement divers et soigneusement codifiés.

Pierre Reboul, que nous avons déjà eu le plaisir de rencontrer il y a 3 ans, lors d’une conférence sur l’Ecoute, vient nous parler ce soir des rites funéraires contemporains, ce qu’ils révèlent et ce dont ils sont l’écho.

Rappelons que notre conférencier est très impliqué dans l’association JALMALV (Jusqu’A La Mort Accompagner La Vie) et qu’il a écrit plusieurs livres sur l’écoute, l’accompagnement et le bénévolat.

Alors que l’on pourrait craindre le côté morbide d’un tel exposé, c’est de la vie dont il est surtout question.  Les rituels concernent les hommes vivants, en quête de sens.

Les 3 temps de la mort sont marqués par des pratiques diverses.

Le trépas peut être accompagné ou non par les proches. Autrefois, une « bonne » mort était une mort publique ; maintenant, on souhaite davantage la discrétion d’une mort dans le sommeil.

Ensuite, viennent les soins dus au défunt avec la toilette, la veillée et les signes de respect. 

Enfin s’organisent les funérailles elles-mêmes, la cérémonie, le port du deuil, les fleurs, la transmission des objets…

Pierre, avec humour, rappelle que « les bons rites font les bons morts ».

En fait, toutes les offrandes ont pour objectif de magnifier le mort et de déculpabiliser le vivant. Il est de bon ton de parer le disparu de toutes les qualités et de toutes les vertus ! Seul un Brassens quelque peu irrévérencieux a osé braver le tabou.

On note que 3 symboles sont universellement reconnus :

la lumière avec les bougies, l’eau avec l’aspersion et le feu avec l’espoir de la résurrection (comme pour le Phénix qui renaît de ses cendres).

Tous contribuent à tenter de concilier les notions de Permanence et d’Ephémère de favoriser le passage de la Proximité à la Distance.

Le grand « mérite » des funérailles est de rassembler et de ressouder les familles. Malheur à celui qui s’en dispense et se met ainsi au ban de la société. C’est ENSEMBLE qu’on peut assumer la perte, se réchauffer et se réconforter. La COVID a mis cruellement en lumière ce besoin et a désespérément généré des deuils traumatiques.

Les professionnels des pompes funèbres ont pris le relais des religieux. Ce sont maintenant les profanes qui, avec les familles, choisissent photos, diaporamas, musique et chansons pour des rites sur mesure, à la carte. Le caractère de gravité semble perdu, au profit de l’authenticité et de la personnalisation. Le JE prime sur le TU ou sur le NOUS.

Pierre évoque aussi les deuils inavouables, les morts dont on ne veut pas ou qui dérangent. « Les morts de rue » (27 l’année dernière à Grenoble).

A ces problèmes sont associés pour les bénévoles et pour les soignants le souci du « cure » (soin médical) et le souci du « care » (soin affectif ou humain). Où placer le curseur ?

Les lieux de mémoire sont-ils nécessaires ? Où déposer et disperser les cendres après une crémation ?

Pour réussir à franchir le pas ou à faire son deuil, il faut pouvoir dire et être écouté.  C’est ce à quoi s’emploient Pierre et tous les bénévoles regroupés dans diverses associations comme JALMALV.

Avec Eluard, ils peuvent affirmer, avec toute la modestie et la bienveillance qui les caractérisent :

« Le tout est de tout dire, et je manque de mots. Et je manque de temps et je manque d’audace ».

                                   VDB 14-03-2022