LABORATOIRE LABEO

Visite de LABÉO, 1er laboratoire en Europe pour le diagnostic et la recherche équine; Situé à Saint-Contest (Communauté urbaine de Caen la Mer, Calvados)
LABÉO est le Pôle d’analyse et de recherche créé en 2014 par le regroupement des laboratoires départementaux du Calvados (ancienne structure du laboratoire départemental Frank Duncombe créé en 1974 et spécialisé dans les pathologies équines), de la Manche (ostréiculture et radioactivité), de l’Orne (pathologies bovines). Avec environ 400 collaborateurs, dont des pharmaciens, des biologistes, des cadres vétérinaires, des techniciens d’analyse, LABÉO constitue l’un des GIP, Groupements d’Intérêt Public, les plus importants de France. Les équipes réalisent chaque année des milliers de dosages et de recherches pour des milliers de clients en France et à l’étranger, dans le domaine de la santé équine (35000 clients) mais aussi dans le domaine agroalimentaire, dans celui de l’aquaculture (étude des mortalités ostréicoles, par exemple) et de l’environnement (suivi de la qualité de l’air, de l’eau etc.). Deux importants chercheurs, Stéphane PRONOST (Directeur adjoint du Pôle Recherche de LABÉO, chef du service Virologie/Biologie Moléculaire Pôle Recherche) et Romain PAILLOT (Responsable de la Recherche en Santé Équine de LABÉO et Directeur du GIS Centaure), nous accueillent et nous présentent, à l’aide d’un diaporama explicatif, une très importante spécialité du laboratoire en santé animale : les équins.
La Normandie est l’une des plus grandes régions européennes d’élevage de chevaux avec 115 000 équidés sur son territoire, 18 000 emplois directs, 1 pôle de compétitivité Hippolia, 5 centres de recherche de renommée internationale, 1,3 milliards de chiffre d’affaires. L’activité de biologie équine du laboratoire est ainsi l’une des plus importantes en Europe avec celles de Newmarket en Grande-Bretagne et de Hanovre en Allemagne. La nouvelle plateforme de recherche en santé équine a été inaugurée à St Contest le 4 novembre 2016 en présence de Monsieur Gérard Larcher, Président du Sénat, ancien vétérinaire. D’une superficie de 700m2 elle jouxte le LABÉO Franck Duncombe. La plateforme de recherche se décline sur deux sites : celui de St Contest, où les travaux de recherche concernent les maladies infectieuses équines (qui peuvent se propager rapidement à cause du transport aérien de chevaux de course, par exemple) et les maladies inflammatoires respiratoires, celui de Goustranville, qui héberge notamment le CIRALE-EnvA, site unique en Europe pour l’imagerie et la recherche sur les pathologies locomotrices équines de l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, devenu mondialement connu pour l’étude des troubles locomoteurs et des causes de contre-performances chez les chevaux de course.
Le site de St Contest accueille aussi deux start-ups : Equiways, arrivée en 2018, spécialisée dans la biosécurité en milieu équin, et Equibiogènes, depuis 2019, spécialisée en recherche génétique. Les chercheurs d’Equibiogènes ont par exemple élaboré un panel de tests qui déterminent à quel degré le cheval est porteur d’une sensibilité génétique à l’origine de certains problèmes musculaires. Sur le site de St Contest travaillent également des doctorants de l’université de Caen qui effectuent des recherches sur la myopathie atypique des équidés, les problèmes de cartilage, l’asthme du cheval etc…Ces scientifiques français partagent leurs compétences avec un réseau international de partenaires, une collaboration s’est établie entre LABÉO et l’INTA de Buenos Aires, Gluk Equine Research Center (USA), Animal Health Trust (GB), l’Irish Equine Center (IRL) qui travaille sur les souches du virus de la rhinopneumonie, les écoles vétérinaires, les universités, les industriels etc..
Nous visitons rapidement le secteur du laboratoire accessible au public. LABÉO consacre 6 % de son budget à la recherche, il doit constamment trouver des financements pour l’achat de matériel et le salaire des chercheurs. Les premiers financeurs sont la Région et le Fonds Eperon, l’Union Européenne, l’Etat et le département du Calvados, l’IFCE (Institut français du cheval et de l’équitation), l’AVE (association vétérinaire équine française). Nous regardons à travers des vitres des scientifiques penchés sur leurs microscopes ou réglant des machines et rencontrons un doctorant originaire de Liège qui travaille sur la myopathie atypique du cheval, maladie sévère qui affecte des chevaux séjournant en pâture, généralement en automne et au printemps ; elle résulte d’une intoxication aiguë par ingestion d’une toxine contenue dans les plantules de certains arbres de la famille de l’érable, en particulier de l’érable sycomore .
Le Centre International de Deauville, palais des congrès, a été choisi pour accueillir la 11ème édition de l’IEIDC (International Equine Infectious Diseases Conférence), le Congrès mondial des maladies infectieuses équines qui aura lieu du 28 septembre au 2 octobre 2020. Ce choix atteste de l’excellence, au niveau international, des équipes françaises de recherche en santé équine. Nous sommes honorées d’avoir pu visiter dans des conditions optimales le site réputé de LABÉO. M.S.


ASPIRINE: "Les bienfaits et les méfaits de l’aspirine"

"Les bienfaits et les méfaits de l’aspirine" conférence par Jean-Claude Dauguet
A l’origine de l’aspirine nous retrouvons l’écorce de saule et la reine des prés. Le nom aspirine signifie a spiraea, c’est-à-dire qui provient de la spirée, spiraea ulmaria ou reine des prés. L’aspirine est héritière de la théorie des signatures, qui est un mode de compréhension du monde dans lequel l’apparence des végétaux est censée révéler leur usage et leur fonction. Cette théorie a été développée pendant la Renaissance par des figures marquantes comme le Suisse Paracelse (1493-1541) et l’Italien Della Porta. La chélidoine, par exemple, était utilisée dans le traitement des ictères en raison de la couleur jaune de son latex. Cette théorie des signatures est reprise au XVIIIe siècle par l’Anglais Edward Stone, qui pense que si le saule pousse les pieds dans l’eau il doit pouvoir servir au traitement des maladies causées par l’humidité et le froid, et donc les fièvres. Le XIXe siècle est marqué par le développement de la chimie et des laboratoires. On commence l’étude des principes actifs : à partir des molécules naturelles, on prépare des produits chimiques. Un Français, Pierre-Joseph Leroux, isole le principe actif de l’écorce de saule, c’est-à-dire la substance qui possède des propriétés thérapeutiques, la salicyline. Puis des scientifiques allemands et italiens développent l’acide salicylique, dont l’usage se répand pour traiter douleurs, fièvre et rhumatismes, mais provoque des brûlures d’estomac. Hoffmann, chimiste allemand, qui travaillait depuis 1894 dans le service de recherche pharmaceutique de Bayer, synthétise pour la première fois dans une forme stable, utilisable à des fins médicales, l’acide acétylsalicylique. Bayer commercialise le produit en 1899 sous le nom d’aspirine, d’abord sous forme de poudre, puis en comprimés. Les premières utilisations de l’aspirine en France datent de 1908. En raison de la première guerre mondiale, l’approvisionnement en aspirine par Bayer est interrompu. Les frères Nicholas mettent au point une nouvelle forme d’aspirine et obtiennent un droit d’exploitation du nouveau médicament "Aspro". La petite boîte rose connaît un vif succès : "Aspro bloque rhumes et grippe en une nuit". L’aspirine est couramment utilisée en cas de douleurs (action antalgique), en cas de fièvre (action antipyrétique), en cas d’inflammations, même si de nos jours, on lui préfère souvent le paracétamol et l’ibuprofène qui présentent moins d’effets secondaires. Par ailleurs, l’aspirine est très utilisée pour son action anticoagulante, par exemple en prévention de problèmes circulatoires lors de l’immobilisation d’un membre par un plâtre. En traitement préventif, à faible dose, il a été démontré que l’aspirine est efficace pour prévenir certaines pathologies, telles que les infarctus, les accidents vasculaires cérébraux, mais aussi le cancer, en particulier le cancer colorectal. Selon certaines études récentes, la prise régulière d’aspirine pourrait retarder l’apparition des symptômes de la maladie d’Alzheimer.
L’aspirine n’est pas dépourvue d’effets secondaires. L’aspirine a tout d’abord des effets indésirables sur les cellules de l’œsophage, de l’estomac et du duodénum. Elle peut entraîner des hémorragies, des ulcères gastriques, voire une perforation de la paroi. Pour diminuer les risques de lésions il vaut mieux utiliser l’aspirine en comprimés effervescents à délitement rapide ou du paracétamol. Lors de traitements au long cours, les risques d’accidents hémorragiques ne sont pas négligeables, l’aspirine est déconseillée aux hémophiles et aux personnes devant se faire opérer. Un autre effet secondaire est le risque allergique : des réactions cutanées, comme de l’urticaire peuvent survenir, mais aussi des réactions beaucoup plus dangereuses, comme de l’asthme, un œdème de Quincke (forme particulière d’urticaire caractérisée par un gonflement du visage, du cou et des muqueuses buccales et ORL, pouvant réduire le diamètre des voies aériennes supérieures, voire les obstruer) ou un syndrome de Reye (ictère aigu très grave avec encéphalopathie convulsive qui survient chez l’enfant après un traitement à l’aspirine suite à une infection virale). Il faut donc utiliser l’aspirine avec modération pour éviter les accidents dus à une automédication excessive.
En conclusion, l’aspirine est l’un des médicaments les plus connus, les plus courants et les plus populaires, qui a rendu service comme antalgique et antiinflammatoire. Pourtant, si elle était découverte de nos jours, obtiendrait-elle l’autorisation de mise sur le marché nécessaire à tout médicament pour être commercialisé, eu égard à ses effets secondaires ?
Mr Dauguet laisse la parole à Jean-Pierre Bernard, cardiologue, qui nous parle plus précisément de l’usage de l’aspirine dans la prévention et le traitement des maladies cardio-vasculaires, mais uniquement pour les personnes à risques. Au milieu du siècle dernier, des médecins ont reconnu les propriétés antithrombotiques de l’aspirine. On sait aujourd’hui que l’aspirine empêche l’agrégation de plaquettes sanguines et par conséquent la formation de caillots. Les plaques d’athérome, dépôts graisseux dans les artères, constituent un terrain favorable à l’apparition de ces caillots sanguins, notamment dans les coronaires qui irriguent le muscle cardiaque. En effet, quand ces plaques de cholestérol accumulées sur la paroi interne d’une artère se brisent, les plaquettes sanguines s’y agrègent et bouchent le vaisseau. En fluidifiant le sang, l’aspirine réduit leur formation qui est à l’origine de l’infarctus du myocarde et de l’accident vasculaire cérébral. Le fait est que, prescrite après un infarctus, une embolie ou un AVC, l’aspirine réduit la mortalité et le risque de récidive des patients. L’aspirine est aussi prescrite à vie aux patients auxquels on a posé un stent, une prothèse métallique qui permet de maintenir la circulation sanguine dans les artères bouchées pour empêcher la formation de caillots. Dans ces cas de traitements à vie, l’aspirine est prescrite à faible dose, à cette basse posologie, les effets indésirables sont rares. M.S


VISITE du FRAC

Exposition "RUFUS" de Florentine et Alexandre LAMARCHE-OVIZE
[**Mathilde Johan*], responsable du pôle du public, nous accueille au FRAC (Fonds Régional d’art Contemporain Normandie Caen). Le FRAC, 4ème collection publique française d’art contemporain, anciennement rue Vaubenard, est installé depuis mars 2019 au 7 de la rue Neuve bourg l’Abbé, dans l’ancien cloître de la Visitation devenu Bien national en 1789 et occupé ensuite par l’Armée. Rudy RICCIOTTI, le concepteur du MUCEM de Marseille, en a été l’architecte. Une deuxième tranche de travaux est prévue ultérieurement.
[**Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize*] sont un couple français dont l’atelier se situe à Aubervilliers. Ils travaillent ensemble depuis 2006 et utilisent le dessin, la peinture, les sculptures en céramique et l’art décoratif pour se réapproprier différemment les grands sujets académiques ; ainsi dans l’exposition, des références à Rufus, l’album de Tom Ungerer édité par l’École des loisirs, ou à deux tableaux du Musée du Louvre : Les Noces de Cana de Paolo Véronèse et le Saint Michel de Raphaël. Le point de départ est le carnet de dessins de Florentine. Elle y croque sans cesse d’après des œuvres d’art, des objets, des livres ou des faits de société, dessins dont le duo s’inspire, qu’il transpose, mêle et agrandit. Les techniques des tableaux sont variées et juxtaposées : peinture, fusain, craie grasse, stylos-feutres etc. ; les supports différent : toiles, lés de tissu suspendu, céramique etc. Les animaux jouxtent des hommes politiques, des faits, une nature exubérante…
L’exposition s’ouvre comme le chapitre d’un livre d’images en noir et blanc, formant des paysages où Rufus, la chauve-souris de Tom Ungerer, les chiens du tableau de Véronèse ou l’ange vainqueur de Raphaël sont les sujets principaux. Ils sont là pour révéler combien la relation entre l’homme et l’animal est puissante, proche, voire affective ; sans être dans l’anthropomorphisme, ils croquent par exemple des chiens qui nous regardent, témoins de notre vie domestique.
Le duo allie art et artisanat dans la lignée du mouvement Arts & Crafts, initié en Angleterre mi XIXème par William Morris devant l’inquiétude soulevée par les bouleversements sociaux et esthétiques provoqués par la révolution industrielle. L’exposition se veut être sur le mode de l’éphémère ; de grands panneaux muraux dessinés au fusain directement sur les murs disparaîtront à la fin de l’exposition, les sculptures en céramique qui forment une forêt colorée devront, si les artistes suivent les idées japonaises, être détruites pour passer à autre chose car elles représentent une histoire.
A travers cette exposition, nous percevons l’approche militante, politique de ces deux artistes qui travaillent en duo et, par leurs œuvres chatoyantes, nous entrainent à réfléchir sur la liberté de création, et la résistance à toute sorte de cadre M. W-L

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VISITE du QUARTIER du VAUGUEUX

Ce quartier de Caen d’une centaine d’hectares, est celui qui recèle le plus de vestiges du Caen ancien.
Situé entre le bassin Saint Pierre et le château, donc en contrebas des "collines", ce val était au Moyen Âge fort malfamé, d’où son nom de "val des gueux", qui au fil du temps est devenu Vaugueux.
Notre visite débute par l’église Saint Pierre fondée au VIIIe siècle par les évêques de Bayeux.
Cette église reconstruite aux XIII et XIVe siècles présente la particularité d’être bâtie en partie sur pilotis, car il y avait de l’eau partout autour. Les canaux ont été bouchés en grande partie mais la Petite Orne, que l’on peut voir encore sur l’hippodrome, alimente aujourd’hui le bassin St Pierre en souterrain.
Une autre particularité de cette église est de ne pas être parfaitement axée : le chœur part légèrement sur la gauche par rapport à la nef. Plusieurs hypothèses ont été émises face à cet état de fait : choix délibéré de l’architecte pour rappeler la tête du Christ légèrement penchée sur la croix ? erreur de l’architecte ? contrainte du cours d’eau ? manque de vision globale lors de la reconstruction du chevet au XVIIe ? Une énigme non tranchée.
Enfin notons que cette église n’a pas de transept, des maisons étaient déjà construites à son emplacement éventuel. Côté architecture, l’église est majoritairement de style gothique flamboyant avec une partie de décor Renaissance : le Choeur. Le clocher, ajouré pour diminuer la prise au vent, a été détruit par un obus allié en 1944, et reconstruit entre 1957 et 1962. A l’extérieur nous admirons le cadran solaire "spécial" qui permet de régler sa montre car il donne l’heure de midi selon les saisons.
Notre visite se poursuit vers la tour Leroy (XIVe siècle) l’un des derniers vestiges de l’enceinte médiévale de Caen qui comportait 15 portes. Sur le mur on peut observer les anneaux qui permettaient l’amarrage des bateaux. On peut également observer quelques vestiges des remparts.
Pour découvrir les belles maisons, il faut faire abstraction des devantures des restaurants actuels et lever les yeux vers les étages. Il n’y avait pas de "cahier des charges" à l’époque où elles furent érigées, d’où une grande variété de styles. Nous admirons certaines balustrades et les quelques maisons à colombages dont notre conférencière nous explique les subtilités de construction et/ou de restauration. Le mot colombage vient de colonnes. Les poutres de chêne résistent au feu mais sont davantage menacées aujourd’hui par l’humidité et les champignons qui l’accompagnent. C’est un édit royal en 1560 qui interdit la construction à pans de bois, en raison de la pénurie de bois qui s’ajoutait au risque d’incendie. Un autre édit en 1667 interdit à son tour les encorbellements, pour des raisons de sécurité.
Il reste également de très belles maisons de pierre, des XVe et/ou XVIe siècles, à admirer. Sur l’une d’elles est gravée "Porte au berger". C’était l’entrée de la ville pour les visiteurs venant de Ouistreham, le port de mer. Notons le pavage qui date de Philippe Auguste. L’expression "tenir le haut du pavé" vient du fait que les puissants s’éloignaient de la rigole centrale qui était en fait un égout. Nous empruntons ensuite une ruelle dite passette, suivie d’une volée de marches qui nous emmène sur la "montagne du Sépulcre" (19 m au-dessus du niveau de la mer !). L’Église désaffectée aujourd’hui abrite des expositions temporaires. Elle a été érigée au XVIIIe siècle, en remplacement d’une chapelle Sainte Anne (XIIIe s.). Elle aurait abrité un morceau de la croix du Christ, rapporté de la 5ième croisade mais volé par les anglais lors de la Guerre de Cent ans. Bien mal acquis ne profite jamais ! Les voleurs périrent en mer.
Notre petit groupe d’une vingtaine de lycéennes a remercié chaleureusement Patricia LENGYEL pour cette très intéressante visite et pour sa capacité à s’exprimer clairement malgré le masque obligatoire, Covid 19 oblige ! M-P L.


CONQUETE de l'ANGLETERRE par GUILLAUME le CONQUERANT

[**Edith au Col de cygne retrouvant le corps d’Harold après la bataille d’Hastings.*]

Un héritage controversé. Quel écho hier et aujourd’hui ? Par Danielle Férey
Notre conférencière s'attache à présenter les conquêtes normandes du point de vue anglais, très différent du nôtre.
L'histoire commence avec la bataille d'Hastings menée le 14 octobre 1066 par Guillaume Le Conquérant. Il n’est pas vraiment "conquérant", c’est celui qui, dans la crise de succession ouverte par la mort du roi d’Angleterre Edouard le Confesseur (1042-1066), revendique un trône pour lequel il se sent légitime en raison de sa place dans la généalogie du roi mort sans descendance. Cette dernière, extrêmement compliquée, mêle les destinées de trois branches pouvant prétendre au trône : la [**branche anglo-saxonne*] d’Harold Godwinson liée à Emma de Normandie, fille du duc de Normandie Richard 1er, d’abord épouse du roi d’Angleterre Aethelred II (roi de 978 à 1016) et mère d’Edouard le Confesseur (roi de 1042 à 1066) ; [**la branche danoise*] de Sven Estrihsson, qui ne perd jamais une occasion de tenter de récupérer le trône occupé par Knut le Grand, roi d’Angleterre (1016-1035), de Danemark (1018-1035) et de Norvège (1030-1035) après son mariage avec Emma, veuve d’Aethelred II, puis par ses fils ; [**la branche normande*] de Guillaume, issue en droite ligne de Richard Ier.
C'est bien Guillaume qui est le légitime héritier de ce trône. Harold y prétend aussi car lui et sa sœur Edith sont les enfants de Godwin, très puissant comte du Wessex et de Kent ; en épousant Edith, Edouard le Confesseur a fait d’Harold Godwinson son beau-frère. La tapisserie de Bayeux relate qu’il a juré sur des reliques ne jamais prétendre au trône d'Angleterre et pourtant il va se faire sacrer roi.
Considérons la géographie physique et sociale de cet épisode de l'Histoire : la Manche étant très facilement traversée, les échanges sont nombreux entre l’Angleterre, pays très peu peuplé (1,5 millions d'habitants), et la France (environ 10 millions d’habitants). De plus, la Normandie est une contrée présentant unité et véritable dynastie alors que l'Angleterre est formée d’une constellation de comtés très autonomes et divisés.
Dans ce contexte, le sacre d'Harold, vu comme une trahison du côté normand, est beaucoup mieux considéré du côté anglais car le parjure a obtenu la consécration de l'évêque Stigant puis l'approbation du peuple.
L'expédition organisée par Guillaume est un acte audacieux, très méticuleusement préparé et ayant nécessité des trésors de logistique. La bataille d'Hastings et la victoire incontestable des Normands s'explique par cette parfaite stratégie mais aussi par l'éparpillement des Anglais menés par Harold, obligés de défendre le nord de leur pays des incursions danoises pour aussitôt rejoindre le front du sud et faire face aux farouches troupes normandes qui useront de la ruse à deux reprises en faisant mine de s'enfuir pour mieux décontenancer l'ennemi. La bataille fut un carnage dont la Tapisserie de Bayeux donne une idée. Si, du côté français, les pertes furent importantes (la moitié des troupes), ce fut pire du côté anglais, "dies fatalis Angliae", toute la jeune élite anglaise y perdit la vie. Guillaume marcha aussitôt sur Londres pour s’y faire sacrer, toute opposition fut écrasée, la civilisation anglo-saxonne fut étouffée et la noblesse dépossédée en 20 ans par un ennemi implacable réprimant toute révolte dans le sang. Peu à peu, l’apparente soumission des Anglais cacha le développement d’un sentiment national ; dans les années qui suivirent, l'opposition se fit jour et les Anglais restèrent marqués à jamais par une rancune tenace contre l'envahisseur normand, même si l’alliance des deux civilisations fut la source de l’évolution de l’Angleterre vers la modernité.
Le récit se termine sur les traces que laisse cet épisode dans l'imaginaire britannique et sa mémoire collective : le sentiment très fort qu'un peuple raffiné et cultivé s'est retrouvé sous la coupe d'un envahisseur beaucoup plus fruste, ce qui n’est pas exact. Ainsi durant le XIXe, siècle de l’éveil des Nationalités, bien des thèmes remontant aux temps anciens, en particulier la légende du roi Arthur, furent repris, magnifiés et replacés dans un cadre romantique propre à glorifier ce fier peuple qui a retrouvé sa langue et conservé ses traditions. À Bayeux, sur le monument honorant les soldats britanniques morts durant le Débarquement en Normandie et la Seconde Guerre Mondiale, est gravée cette phrase : "Nos, a Guillelmo victi, victoris patriam liberavimus" (nous, vaincus par Guillaume, avons libéré la patrie du vainqueur)…
On peut tempérer ce discours au vu des incontestables apports de cette conquête normande, au delà de la profusion extraordinaire de fortifications semées sur cette île : droit foncier et institutionnel, art, techniques d’architecture de chasse ou d'élevage, littérature, cuisine etc. C.C.


La PESTE NOIRE

"Une pandémie au Moyen-Âge : la Peste noire" par Mr Alain Jéhan Pneumologue Honoraire du CHU de Caen.
Au milieu du XIVe s., 1347/1352, cette nouvelle maladie apparut en Europe. Rappelons à l'occasion que Louis IX est mort en 1270 de ce que les médecins de l'époque ont nommé "la typhoïde".
[**Définition de la Peste*], qui peut être aviaire-porcine-brune
En grec ce mot signifie épidémie de typhus ; en latin, fléau ; en Français, peste bubonique (1460)
[**Environnement*] :
Au XIVe s., deux grandes puissances économiques règnent en maitre : Venise, championne de l'expansion économique et qui voit son empire maritime s'étendre de l'Adriatique à la Méditerranée et à la mer Noire, pour le commerce de la soie. Gênes implantée dans la Ligurie actuelle, commerce avec l'Espagne, la Flandre, et la Crimée (route de la soie). En 1346 la ville de Caffa, comptoir génois de la mer Noire, subit l'assaut des Mongols. Les malades sont jetés par dessus les remparts de la ville et leurs cadavres pourrissent en plein air. Ils sont tenus pour responsables de la réapparition de la peste noire. Les survivants poursuivent leurs combats jusqu'à Messine, enfin bloqués par les Génois, mais ils transmettent la maladie par les galères.
Deux formes pour la Peste, cette "mort noire" du XIVe s. qui frappe sans distinction d’âge, de race, de sexe ou de richesse :
La Peste bubonique, transmise par la piqûre de puce, avec bubons, fièvres, masses purulentes, nécrose. La mort frappe en quelques semaines.
La Peste pulmonaire, transmise par voie aérienne. La mort frappe en 3 jours.
[**Les faits*] :
Le Pape Clément VI, qui réside en France, fait jeter les cadavres dans le Rhône, à Avignon. Les cimetières sont pleins à Paris (la Ste Trinité) et, faute de place, les corps sont évacués sur des bateaux nommés "corbeillards". Certains métiers, comme les bouchers et les boulangers, sont très impactés, d'autres moins, comme les artisans travaillant le fer et le bois. La pandémie, en 1348, est favorisée par la concentration de population, l'insalubrité, le manque d'hygiène et par les nombreux pèlerinages.
En 1347 la peste noire se répand en Crimée, Hollande, Angleterre, Espagne, Italie, Groenland et Russie. On pense que l'on vit l'Apocalypse comme annoncé dans les Evangiles.
1346 marque également le début de la Guerre de Cent ans. Les petites gens sont écrasés sous les impôts par Edouard III d’Angleterre et Philippe de Valois pour financer la guerre ; en France c’est le "fouage" ou le "focage". Philippe de Valois est fait prisonnier par le "Prince Noir", fils aîné d’Edouard III, à Poitiers.
Il faut rappeler que la population s'accroit considérablement entre le XIe et XIIIe s. Au XIVe la nourriture fait défaut, on assiste à des changements climatiques considérables ; le froid et la pluie ne favorisent pas les cultures et conduisent à la famine. On note l'apparition de maladies nouvelles comme la grippe, la variole, la scarlatine et la dysenterie.
L'Eglise considère cette épidémie comme le Châtiment de Dieu. Un Franciscain témoigne "Dieu se venge de la méchanceté des hommes", la notion de Purgatoire apparait alors. Il préconise de faire des offrandes à la Sainte Vierge, à St Sébastien et à St Roch.
On cherche des boucs émissaires ; les responsables seront d’abord "les Juifs". Rappelons que ceux-ci sont les seuls à pratiquer l'usure en France, ce qui est strictement interdit par la loi. Plus de 500 Juifs sont brulés, puis les lépreux (retour de la 1ere croisade), les mendiants, les pestiférés, les animaux et les chats. On assiste à une véritable répression sociale. Des processions de flagellants et de fanatiques religieux s'organisent pour rendre grâce car certains réussissent à en réchapper, comme le médecin de Clément VI, Guy de Chauliac.
Les traitements couramment pratiqués sont les saignées, les cautérisations, le venin de vipère, les pierres précieuses en poudre, ou celle des cornes de licornes. L'épidémie de Marseille en 1720 a fait 100 000 morts.
Le bilan humain est de 40 à 60 % de décès dans les villes italiennes, et plus de 50 % de la population en Angleterre. À Londres la peste s'arrête avec le grand incendie de 1666. En France il est de 7 millions de victimes sur une population totale de 17 millions d'habitants. Entre un tiers et une moitié des habitants de l'Europe disparaît.
C’est le médecin militaire français Alexandre Yersin (1863-1943), formé à l’Institut Pasteur, qui réussit en 1894 à isoler le virus de la peste (Yersina Pestis) et met au point à Paris, en 1895, avec Calmette et Roux, un vaccin et un sérum contre cette maladie. Dans sa tâche il est aidé par Paul-Louis Simond (1858-1947) qui met en évidence le rôle de la puce du rat dans la transmission de la peste bubonique.
En France, les derniers cas ont été signalés en Corse, en 1945. La dernière pandémie en Orient date de1891, dans le Yunan et à Hongkong.
La peste, bacille le plus virulent du monde, sévit encore. Elle est soignée de nos jours par les antibiotiques.
22 000 cas humains sont déclarés aujourd’hui à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). 1612 malades se trouvent essentiellement dans les 26 pays d’Afrique, au Pérou, à Madagascar. M.N. B